Auteur Sujet: Fin de saison 1  (Lu 1151 fois)

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Xlatoc

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Fin de saison 1
« le: 06 février 2012 à 20:05 »

Visuel du village de Douhameau


Rochraël est mon nom. « Fauve des épines » dans la langue des humains. Jerio, le Druide de Douhameau m’a demandé d’écrire certaines choses sur ces morceaux de végétaux et de peaux d’animaux. Je ne suis pas certaine du bien fondé d’immobiliser ainsi des éléments vivants de les soustraire au cycle de mort et renaissance de la Nature juste pour « garder les éléments en mémoire », mais Jerio est au-dessus de moi dans la hiérarchie druidique, aussi je ne puis remettre en cause ses décisions. Ceci dit, je ne doute pas qu’il ai longuement pesé le pour et le contre avant de trancher.
   Il faut dire qu’il n’est pas aberrant d’envisager cette mesure extrême compte tenu des circonstances…après tout, cent ans de ma vie ont disparu, garder une trace de mon passé si cela devait se reproduire m’éviterait certainement de me perdre sur un mauvais chemin si cela devait se reproduire. Et surtout…je suis une Grugach, une Elfe Sauvage, de la race des vrais adorateurs de la Nature, de ses protecteurs les plus fervents et les plus puissants. Nous sommes les plus proches d’elles, ceux qui La comprennent le mieux et les garants de l’Equilibre de ses forces. Ou peut-être étions…les Grugachs ont apparemment disparus de ces terres, cela fait longtemps que les Humains n’en ont plus vus et moi-même n’ai pas trouvé de traces de leur présence. Consigner ainsi ma vie, mes choix et à  plus grande échelle toutes les us et coutumes de mon peuple donnera une base de réflexion, d’action pour les Druides qui ne peuvent avoir accès à  la sagesse des Elfes Sauvages, ou simplement les êtres qui veulent suivre les préceptes de la Vraie Foi. Et si je suis vraiment la dernière de ma race, pour qu’elle ne tombe pas dans l’oubli et que ces mots puissent guider ceux qui viendront après moi. Même si je ne retournerai certainement pas à  notre Mère avant plusieurs dizaines de générations d’humains, plus de détails je fournirai, meilleur sera l’aide apportée. Pour toutes ces raisons, je comprends la démarche de Jerio. Mais cela n’empêche pas mes doutes…


L'entrée sud de Douhameau, par où nous sommes arrivés la première fois.

   Ce préambule mis de côté, reprenons. Je suis donc une Grugach et j’ai récemment passé mon initiation pour entrer dans la confrérie des Druides. Immédiatement après la cérémonie, mes compagnons et moi-même partîmes vers un avant-poste en ruines que nous savions infesté de brigands. Non pour les éliminer, mais pour les observer et s’assurer qu’il ne s’allient ne ne soient asservis par une Paladine Noire que nous avions vu partir dans leur direction. Markus le Maître du Temps, Meikford le Ranger, Kulit l’Oracle, Delerin le Maître-Mort et moi-même, accompagnés d’Aven Baera la Maître des Bêtes quittèrent le village à  l’aube.


Rufus et Brûle à  la tour de Douhameau

   Meikford pris la tête de l’expédition. Il emportait quantité de nourriture, un comportement que je trouvai plutôt étrange pour un Ranger, d’autant que nous allions dans une endroit où les ressources abondaient…peut-être une affection due aux longs mois qu’il avait passés sous-alimenté, affamé et fragile. Car de ses qualités de Ranger il n’y avait jamais eu à  douter. A surveiller sur ce point donc. Delerin, Kulit et Markus formaient le centre, Avec Baera et moi-même protégeant les côtés. Quelques centaines de mètres après avoir quitté le chemin pour nous enfoncer dans la forêt, j’entendis d’horribles bruits de bois brisé, d’arbres torturés et d’arbustes arrachés. Peinant à  avancer en milieu naturel, le peloton central avait opté pour se tailler un chemin à  l’aide de la faux du Maître-Mort. J’intervins donc rapidement, les injuriant pour leur orgueil et leur insolence. Comment, par tout ce qui était sensé et vrai, pouvaient-ils justifier tant de blessures et de morts pour leur seul besoin de circuler ? Sans parler des traces évidentes que cela provoquait et du bruit avertissant notre proie plusieurs minutes avant notre arrivée. Le Ranger interrompit ma tirade pour leur expliquer au mieux comment ne pas faire de bruit tout en se déplaçant avec un minimum d’aisance parmi les arbres. Devant leurs difficultés, je décidai de rester avec eux, pour qu’ils me suivent et m’imitent. Meikford devait rester en avant. Les alliés panthères d’Aven Baera tiendraient ma position. Je suis toujours atterrée de constater à  quel point les humains ont été capables de se couper des choses essentielles et de la survie la plus basique. Même les Orques peuvent faire mieux ! Parfois, ils m’exaspèrent presque autant que les Elfes Gris, à  se couper ainsi de la Nature et à  oublier les bases de la vie…



   Tant bien que mal, nous arrivâmes, sous la pluie, au bastion en ruines. Devant nous, un reliquat de tour percée d’une porte et d’un pont-levis brisé, jeté à  bas donnait sur une court déserte et poussiéreuse. On distinguait trois autres tours, dont seule la plus éloignée de nous était encore dans un état raisonnablement utilisable pour un humain. Là  encore, une grande question : pourquoi s’échinent-ils ainsi à  empiler des pierres lorsque tôt ou tard, ces édifices figés s’autodétruisent, par le temps ou l’œuvre de Mère ? Un habitat sédentaire, oui, mais évoluant au rythme de la vie est beaucoup plus sain pour le corps et l’esprit. Une tout grasse et vicié nous prit à  la gorge alors que nous nous rapprochions. De toute la structure émanait une odeur de mort…mais pas d’un douceâtre relent de charogne rongée par les insectes et les asticots, tombée sous la vieillesse, la maladie ou le prédateur. Non, une pestilence marquait les chairs, les bois et les pierres, les coupant de l’influence de la Nature, embaumant les corps et le lieu de ses exhalaisons nauséabondes. Le Temple du Mal Elémentaire avait beau avoir été vaincu et fermé il y a des années, cet endroit, qui n’en était qu’un avant-poste, était encore profondément marqué par son influence. Le seul qui semblait supporter la situation sans souffrir aucunement était Delerin, le Maître-Mort. L’influence du Mal est forte, sur ceux qui se vouent à  veiller sur le respect du principe de Mort…et son esprit était, je le savais, fragile.

   Méfiant, Meikford proposa de faire le tour de l’édifice avant d’y pénétrer, afin d’en prendre les dimensions, l’organisation générale, compter les entrées/sorties et surtout tenter de repérer où pouvait se terrer la troupe de pillards. Nous acquiesçâmes devant la justesse de ses propos et dévièrent vers la droite, longeant à  courte distance un mur couvert de lierre dont les pierres délitées se transformaient en poudre avec la hauteur. Une ouverture s’ouvrait dans la tour d’angle, défoncée. Nous engageant dans une zone plus marécageuse, nous vîmes ensuite la tour entière, d’où quelques rais de lumière suintaient par les meurtrières. Ils étaient là . On décida de s’approcher plus près, pour écouter d’éventuelles conversation discrètement ou jouer de l’intimidation. Perspective alléchante, mais que nous ne pûmes mettre en application.

   Surgissant des ombres de ce crépuscule torrentiel, quatre crapaud géants nous attaquèrent. Évidemment, c’était l’heure de la chasse, mais qui aurait pu prévoir que de tels animaux nous attaqueraient si proches d’un endroit habité, d’où l’odeur de flammes crépitantes s’échappaient. J’en étais là  de mes réflexions, inattentive au combat qui se déroulait rapidement autour de moi. Une violente douleur me ramena à  la réalité. La langue venimeuse d’un crapaud me brûlait l’abdomen. Il m’avait attaquée, chose totalement improbable venant d’un animal ! C’est alors que je vis les marques noires, l’œil couvert de nuages d’encres, les pustules suppurant une gelée surnaturelle en lieu et place d’un mucus protecteur. Ces animaux n’en étaient plus…déjà , ils étaient contaminés jusqu’à  l’os par le Mal et le Chaos émanant de cet endroit, oublieux de l’alliance liant les bêtes aux Grugach, qui empêchait tout animal de faire du mal à  un Elfe Sauvage qui ne l’agressait pas, en échange de la protection contre les autres races et l’absence d’asservissement. Je tirai donc mon cimeterre de bois, déterminée à  libérer ces créatures de cette malédiction, de la seule façon désormais possible : la mort, et le soin à  leur dépouilles.

   Nous prîmes rapidement le dessus, aidés des panthères d’Aven Baera. Les crapauds s’enfuirent lorsque deux d’entre eux périrent. Sans doute était-ce pour le mieux, car Delerin avait eu l’outrecuidance de réveiller un squelette humain enfoui dans la vase pour participer au combat ! Il m’avait pourtant juré de ne jamais rompre le cycle de mort et de pourrissement des cadavres ! J’enrageai et, pointant mon arme sur sa gorge, je le menaçai sans aucune retenue ou faux-semblant. La seule chose qui me retint de mettre fin à  ses jours, c’était que les corps des crapauds avaient besoin de ses soins pour être purifiés du Mal. Même s’il le savait cela ne l’empêcha pas de trembler, il avait faibli et en avait parfaitement conscience. Alors que je l’entrainais pour qu’il accomplisse son véritable devoir, une flèche se ficha dans mon épaule. Grognant de douleur, je m’éloignai…l’affrontement avait ameutée notre proie. A présent, elle nous tenait à  distance. Tant pis pour les hommages aux défunts, cela pouvait attendre que nous ayons nettoyé la place. Mieux valait faire profil bas et ne risquer aucune vie supplémentaire, décision appuyée par une volée d’autres projectiles létaux.

   Nous nous repliâmes jusqu’à  l’entrée principale, où nous devisâmes sur nos options et nos prochains mouvements. Etre repérés changeait grandement la donne. J’insistai sur le besoin d’arriver par toutes les entrées, afin de s’assurer que nous ne serions pas pris à  revers, tandis que mes compagnons humains voulaient aller vite et s’engouffrer dès à  présent sous la herse délabrée pour ne pas donner aux brigands le temps de se préparer ou de s’enfuir. Kulit se rangea du côté des humains, oublieuse de son sang d’Elfe, Meikford prit le parti intermédiaire de repérer d’autres issues possibles là  où nous n’avions pas été avant de revenir vers le pont-levis. Aven Baera ne dit mot sur le sujet, mais nous annonça qu’elle devait nous quitter à  présent. Sa tâche avec nous était, pour le moment, terminée. Mère avait besoin d’elle en un autre lieu. Elle m’accompagna jusqu’à  la tour en ruines où j’entrai donc seule pendant que mes compagnons, devant la porte principale, attendaient le retour de Meikford pour la franchir. Ou que son absence soit suffisamment longue pour signifier qu’il avait trouvé une autre entrée. L’éventualité qu’il pouvait être attaqué voire tué dans ses pérégrinations en solitaire ne les effleura pas. La confiance que le Ranger avait en ses capacités semblait contagieuse. Ceci dit, compte tenu des épreuves qu’il avait traversées, il paraissait peu probable que quelques brigands puissent le mettre à  mal. Et sans nos bruyants compagnons, il saurait ne pas se faire repérer.

   Alors que je franchissais la douve asséchée vers le mur effondré, Aven Baera me salua du regard. Dans cet échange silencieux entre deux servants de la Nature, beaucoup de choses passèrent. La certitude de se revoir appuyée sur la confiance en l’autre, en ses qualités mais surtout en sa capacité à  agir selon la Voie de Mère. Le respect mutuel d’avoir rencontré un égal, égal dans la pensée, les buts et les choix. Amitié naissante envers un compagnon d’armes, de voyage, d’action ou se décision sur qui l’autre pourrait désormais compter lorsque les épreuves seraient trop difficiles pour un servant seul. Ce pacte averbal scellé, je saluai également ses fauves. Un geste de sa part et la petite troupe disparu dans la forêt noircissant à  la nuit tombante tandis que je me tournais vers l’obscure bouche de pierres avant de m’y engouffrer.

   Le rez-de-chaussée de la tour ne comportait qu’une salle circulaire, apparemment exempte de tout ameublement, à  part une sorte d’autel finement ciselé couvert de poussière. Du coin de l’œil, alors que je le contournai, je le vis respirer. M’immobilisant dans la seconde, je compris que la créature m’avait repérée lorsqu’elle déroula ses anneaux zébrés de noir et me toisa de son regard myope, dardant une langue dans ma direction. Un serpent géant, apparemment touché par le Mal à  en juger par les marques noirâtres sur ses écailles. Il se jeta sur moi, et j’eu tout juste le temps de plonger sur le côté pour l’esquiver. Alors que sa tête ne rencontrait que le vide, un doute m’assailli. La distance et la vitesse de la créature, comparée à  ma propre réactivité, ne devaient me laisser aucune chance. Peut-être n’était-elle pas encore totalement atteinte par les émanations de ces lieux. Si elle était encore un animal, alors le meilleur moyen de s’en assurer serait sa peur du feu, mais je n’avais pas de feu avec moi présentement, ni de quoi en faire… A peine ce besoin était-il formulé, cependant, qu’une petite balle de flammes naquit dans ma main droite ! Je ne pris pas le temps de m’appesantir sur ma surprise, mais remercia silencieusement la Mère pour son nouveau cadeau alors que je présentai la flammèche au serpent. Il s’immobilisa, comme hypnotisé et je m’approchai de lui, calmement, doucement, le rassurant d’une main gauche offerte, tendue en une caresse réconfortante. Les flammes disparurent et il accueilli mon toucher avec confiance. Je lui fis comprendre que l’endroit était malsain pour son repos habituel. Rester ici finirait par le détruire, sous l’influence du Mal. Je lui montrai les premières marques de la corruption et il fila rapidement hors de ces lieux maudit, en quête d’un endroit plus sain pour s’établir.

   M’aventurant plus avant dans les lieux, j’arrivai dans un couloir poussiéreux. Aucune trace de pas, aucun signe de vie humaine. Cette partie de la bâtisse ne semblait pas avoir été utilisée depuis des lustres. Avantage pour moi donc, puisque les brigands devaient ignorer l’existence de cette entrée. Préférant toujours couvrir mes arrière, j’ouvris la porte qui se dressait à  ma droite. Elle résista un moment avant de céder, preuve de l’état de délabrement des lieux et de l’inutilité de construire des habitats incapables de s’adapter à  la mouvance du temps. Sous la couche de négligence et d’abandon, on reconnaissait une cuisine. Mais ce ne furent pas les formes de la civilisation humaine qui retinrent mon attention. L’odeur, poignante et âcre n’était pas celle d’un endroit délaissé. C’était celle du guano. Au plafond était accrochée une colonie de chauve-souris, qui avait visiblement choisi cet endroit pour hiberner. Avec d’infinies précautions pour ne pas les réveiller, j’inspectai les animaux. Comme je l’espérais, la nature nomade de ces créature leur éviterai d’être touchées par la corruption de l’endroit. Aux premières lueurs du printemps, elles partiraient et n’auraient pas eu le temps d’être atteintes. Par précaution, je saisi quand même la plus petite d’entres elles, chétive et maladive, pour lui offrir un peu de mon sang. Je la remis en douceur à  sa place. Alors que je quittai les lieux, je senti que dans leur sommeil, les chauve-souris avaient eu conscience de mon geste. La gratitude qu’elles m’envoyaient depuis les limbes apaisait l’endroit, l’isolant un peu plus de l’affliction maléfique ambiante.

   A côté de la cuisine, la porte du cellier, coincée et vermoulue se brisa avec fracas sous ma pression. Je sautai en arrière, pestant contre ces humains incapables de penser leurs habitats dans la durée. La pierre et le bois ne sont pas compatibles ! L’un travaille, l’autre s’effrite. Elfes et Nains l’ont compris, pourquoi pas eux ? Le nuage de poussière dissipé, je compris que le bruit avait du effrayé ce qui occupait les lieux juste avant. Dommage, j’eux aimé savoir ce qui pouvait élire domicile dans un garde-manger vide, mais je me consolai en me disant que la ou les créatures, dérangées, allait certainement fuir loin de cet endroit maléfique, qu’elles ne devaient plus considérer désormais comme sûr. Un éclat métallique attira mon œil alors que je tournai le regard. Un disque d’or, dont les humains se servent pour échanger des objets ayant une réelle valeur. Comme il ne ressemblait pas à  ceux que j’avais déjà  vu, je me dis qu’il intéresserait sans doute Markus et le ramassai pour lui montrer plus tard.

   Poursuivant mon avancée, j’entrai dans une sorte de vieille remise. Alors que je poussai la porte, une nuée de rats affolés s’engouffra dans tous les orifices et cachettes possibles. Etrange, comment ces lieux vides et nauséabonds attiraient toutes sortes de formes de vie. Je m’inquiétai plus cependant, pour les rats que les chauves-souris. Ces animaux étant sédentaires, donc installés ici, ils étaient bien plus sujets à  la corruption de l’endroit. Les inspectant plus en détail, je ne trouvai aucune trace ou marque propre à  soulever mon inquiétude. A en juger par la taille de la colonie, ils devaient être ici depuis au moins deux ans. Largement suffisant donc, pour que tous les membres aient été contaminés. En conséquence, la bonne santé des animaux me sembla pour le moins inattendue. Etudiant les débris jonchés ça et là , les traces de pas des rats, leurs cachettes, je compris que cette remise n’était pas vraiment leur lieu de vie, mais plutôt une sorte de refuge où ils ramenaient la nourriture récupérée à  l’extérieur et se protégeaient des prédateurs ou des intempéries. Présentement, ils profitaient aussi de la présence des humains pour améliorer leur ordinaire avec leurs déchets. Toutefois, si ceci me rassurai quelques peu, je décidai de revenir plus tard déplacer la famille vers un endroit plus sûr. Il me faudrait un peu de temps et de nourriture pour les guider. Sous le fatras qui restait des objets autrefois amoncelés ici, je trouvai au hasard de mes observations une épée large parfaitement fonctionnelle, plantée dans le sol entre deux planches de bois, reliquat d’une armoire depuis longtemps effondrée. Meikford le Ranger voulait justement une nouvelle arme, voilà  qui était fort opportun. Il viendrait la chercher contre rétribution pour les rats qui l’avaient gardée jusque là .

   Je sorti enfin de ce corridor pour atteindre l’angle de la forteresse. Je me trouvai dans une sorte de hall, en bien meilleur état que ce que je venais de traverser. Des torchères illuminaient l’endroit et, si les tapisseries étaient au mieux élimées, au pire inexistantes, les murs n’étaient pas lézardés ni ne menaçaient de s’écrouler au moindre souffle de vent. Une grande double porte se dressait à  ma droite, entrouverte, d’où la chaleur d’un feu et des voix s’échappaient. Reconnaissant la voix du Ranger, mais ne décelant aucune agressivité, je l’ouvris. Dans la pièce, je comptai rapidement une dizaine d’humains en plus de Kulit. Meikford, au centre, était en grande discussion avec un homme de haute stature, à  l’allure noble et guerrière. M’approchant directement, je lui posai la main sur l’épaule, lui annonçant que j’avais trouvé quelque chose pour lui. Main qu’il repoussa avec un mépris certain arguant que ce n’était pas le moment. Je m’écarta donc, non sans lui avoir envoyé mon genoux dans la cuisse pour lui montrer son manque de respect. Peu importaient les circonstances, le respect était la base des échanges.

   Markus s’approcha de moi, m’expliqua que le guerrier discutant avec Meikford était apparemment son frère aîné. Surprise, je détaillai un peu mieux les deux humains et parvins à  discerner effectivement quelque ressemblance. Ainsi, le Ranger retrouvait un peu de son passé à  nouveau. Son manque de courtoisie devait venir de là , même si cela ne l’excusait en rien. Fragile est l’esprit humain. Apparemment, mes compagnons n’avaient pas rencontré la moindre embûche pour arriver ici. Aucune autre entrée dans les murs ou la dernière tour, ils avaient pénétré l’édifice sans autre inquiétude qu’un pont levis menaçant de se briser sous leurs pas. C’est plus par excès de prudence qu’ils avaient pêché par la suite, même si le nombre conséquent de meurtrières dans l’enceinte enjoignait à  une progression lente, précautionneuse. Les brigands ne s’étaient pas montrés hostiles à  leur approche et le guerrier ayant de suite reconnu son cadet, les discussions n’avaient à  vrai dire pas eu le temps de commencer, les émouvantes retrouvailles prenant le dessus. Delerin manquait à  l’appel, cependant…Il avait disparu juste avant de retrouver les bandits. Bandits qui, au final, ne semblaient pas du tout inamicaux. Ce n’étaient, après tout, que des humains comme les autres, avec un métier de charognard ou de prédateur, pour le propre espèce. Rien d’absolument effarant dans le règne naturel, cela n’en faisait absolument pas des êtres fondamentalement mauvais. A part leurs vêtements usés par une vie hors des agglomérations de leur peuple, ils ne différaient pas vraiment des autres humains. Fait notable dans leur groupe, cependant, leur archer dont nous avions pu vérifier la précision, était borgne. Comme quoi, ils semblaient bien capables d’adaptation à  de bons niveaux. Preuve d’une absence de corruption à  mon sens. D’ailleurs, lorsque les mots Paladin Noir furent prononcés, on senti de suite la peur leur glacer les os. Un mot de leur chef, et ils se mirent immédiatement en branle, ignorant totalement le confort de l’endroit pour partir loger dans la forêt et le froid, sous la pluie. Je souris intérieurement, ces humains me plaisaient bien. Quelque chose me dit qu’ils étaient bien plus proches de la Vraie Foi qu’ils ne le pensaient… Je leur indiquai qu’ils pouvaient sortir plus discrètement en prenant le chemin que j’avais emprunté, à  condition bien évidemment de ne pas déranger les chauves-souris dans leur hibernation.

- Mais…et le serpent ? objecta l’un d’eux, visiblement tremblant à  l’idée de le croiser.

- C’est un ami. Et il est parti dans un endroit plus sûr. Tout comme vous.

   Ils semblèrent hésiter, mais Markus leur assura que c’était normal venant de moi, ce que Meikford confirma. La parole du Ranger eu force de loi, et après une dernière et chaleureuse embrassade pleine de promesse avec son frère, le groupe quitta la pièce. A l’heure où j’écris ceci, je me prends à  espérer les avoir marqués. Cela ferait une première petite graine plantée dans le vaste champs que je dois semer en tant que Druide de Voix. Et décidément, ce genre d’humain me siée bien, je pense.

   Pour notre part, nous décidâmes de rester ici pour la nuit. Le bastion méritait une inspection approfondie, afin de s’assurer qu’aucune activité maléfique récente n’y avait eu lieu. Même sans cela, il nous fallait attendre le retour de Delerin, dont Kulit nous signala qu’il était en danger alors qu’elle allumait le feu dans la grande cheminée. Alors que nous courrions vers la porte pour aller le secourir, nous nous arrêtâmes, surpris par son absence apparente de réactivité. Tout en continuant de frotter nonchalamment ses silex, elle ajouta qu’il avait échappé à  la mort de peu, car elle avait pu le prévenir. Il était en marche pour nous rejoindre et ne devrait pas tarder. Effectivement, il ne fallu que quelques instants pour que le Maître-Mort passe la porte de la pièce, visiblement un peu hagard. Il remercia Kulit de son aide et s’assit à  la place que nous lui avions réservée, attendant silencieusement le repas du soir.

   La nourriture délie les langues, c’est bien connu, surtout chez les humains, soumis aux changements brutaux de situation eut égard à  leur courte espérance de vie. Alors qu’il reprenait ses esprits, il nous compta ses aventures, entre deux cuillères de soupe fumante. Un escalier était caché dans l’ombre, non loin de l’endroit où nous nous tenions. Escalier qui descendait dans les profondeurs du bastion. Il l’avait emprunté, attiré par l’obscurité et les énergies qui en émanaient.
Dans les ténèbres, des yeux rouges le regardaient. Non pas une paire, mais des centaines. Une colonie de rats géants avait élu domicile dans ces lieux. De la description qu’il en fit, il était évident qu’ils avaient été corrompus par la malédiction de cet avant-poste. De son propre aveux, ils l’avaient laissé passé de façon cérémoniale, presque religieuse. Cette sensation qu’il avait eu, alors qu’il traversait leurs rangs alignés qu’ils n’étaient plus des animaux et s’en serait pris à  n’importe qui d’autre que lui, ne laissait aucun doute quant à  l’essence dénaturée des rats géants. A cet instant, je ne compris pas encore la manœuvre de séduction dont il avait été la cible. Les servants du Mal cherchent toujours à  corrompre les Maître-Mort, pour les envoyer sur la Voie du Nécromancien. Ce type d’accueil révérencieux et exclusif flattait l’orgueil, donnait l’illusion du pouvoir...comme il était facile, pour une humain de s’y laisser prendre ! Delerin ne s’arrêta pas aux rats cependant, il poursuivit sa marche dans l’obscurité pendant quelques mètres, avant de sentir l’appel de Kulit. Dans sa tête, résonnait la voix de l’Oracle, qui l’enjoignait de s’arrêter là  où il était. Devant lui tomba alors une flaque verte, qui s’éloigna d’elle-même. Ses yeux humains ne pouvaient la discerner précisément, mais il reconnu quand même une Gelée Verte, ces créatures fongiques mouvantes capable de ronger chair, os et métal avec la même voracité, mettant fin aux jours des plus puissants chevalier en quelques secondes. De toute évidence, l’Oracle venait de lui sauver la vie. Observant autour de lui, il décela la présence d’autres Gelées Vertes, et décida de rebrousser chemin. Il n’avait pas avec lui de quoi les tenir en respect.
   La mention de Gelée Verte éveilla en moi des souvenirs enfouis. Mon peuple savait se servir de ces créatures comme d’armes redoutables. Enfermées dans les coques de fruits spécifiques que nous échangions avec les Grugach du Sud, les Gelées Vertes pouvaient être lancées à  la main, à  la fronde ou à  l’arc sans même viser. Explosant au milieu des rangs ennemis, rongeant armes, armures et corps depuis l’intérieur de la masse, ces terrifiants projectiles avaient souvent apporté la victoire à  nos troupes. Je résolu de trouver un moyen de recréer ces armes, même sans ces précieuses coques. Les humains pleins de ressources sauraient m’y aider...

   Le récit de Delerin achevé, les humains décidèrent de dormir, afin de reprendre des forces avant d’explorer les restes du bastion le lendemain. Au préalable toutefois, j’emmenai Meikford prendre l’épée aux rats, à  qui il laissa une généreuse portion de fromage en compensation. Markus eu l’air intéressé par la pièce que je lui donnai. D’après lui, elle devait avoir plus de valeur que les autres, car plus grosse et plus ancienne. Personnellement, je ne compris pas ceci.
   
   Avant l’aube et le réveil des humains, je parti en quête du serpent géant. Je le trouvai dans un marais non loin. Lui expliquant que des rats géants corrompus se terraient dans la construction, je lui demandai de nous prêter exceptionnellement main forte. Face à  la montée du Mal, toutes les forces de la Nature devaient s’unir pour avoir une chance et sa présence tiendrai certainement les rats en respect. Ou si jamais elles se montraient agressives, son aide serait on ne peut plus efficace, faisant partie de ses proies naturelles. Il accepta, non sans quelques hésitation compréhensible, de m’accompagner. Mes compagnons humains furent également inquiétés tout d’abord à  sa vue, lorsque nous franchîmes la porte à  leur réveil. Mais comme souvent avec eux, un repas et quelques explications judicieuses dissipa leurs peurs irraisonnées. Au final, ils appréciaient l’idée de notre allié. Sauf Delerin apparemment, qui avait froncé à  l’explication. Là  encore, en écrivant ces lignes, je me rends compte que j’eu du m’inquiéter de lui à  ce moment. Il était déjà  attiré par, peut-être même cheminait-t-il sur, la mauvaise Voie. Ecrire fait prendre conscience des évènements que nous avons manqués sur le moment donc…je comprends un peu mieux à  présent ce que Jerio a en tête en me demandant d’écrire.

   Avant de descendre l’escalier, nous décidâmes de vérifier les autres pièces au préalable. Toujours dans l’idée d’assurer nos arrières. La totalité de l’autre couloir nous apparu totalement vide. Vide, mais dangereuse, car je failli bien, avec Markus, restée enfouie sous les débris d’un toit qui s’effondra sur nous alors que nous entrions dans un salon abandonné. Voilà  qui commençait bien !
   Soyons clairs, n’était cet escalier dissimulé dans l’ombre, l’édifice ne présentait pour l’instant aucune trace, aucune preuve, aucun reliquat d’une quelconque activité maléfique. Seules l’atmosphère lourdement chargée de maléfices qui se dégageait de ses pierres usées jusqu’au cœur et la présence d’animaux plus ou moins corrompus à  sa proximité trahissaient son influence. Un voyageur non sensible aux émanations magiques pouvait parfaitement passer à  proximité sans remarquer autre chose qu’une ruine quelconque. Et effectivement, pour découvrir cet escalier qui de toutes évidence menait à  la véritable source du Mal, il fallait où être très bien informé, ou bien être vraiment chanceux. Même en sachant quoi chercher, l’obscurité, le renfoncement, les détours étroits de couloirs pour y accéder ne rendaient pas la tâche aisée. Une investigation au hasard était parfaitement absurde compte tenu de la disposition des lieux. Le Mal sait, de toutes évidence, fort bien se cacher et se fondre dans la masse. Une qualité dont il faut à  la fois se méfier, mais être capable d’appliquer nous aussi.
   Je me demandai si Delerin n’avait pas été guidé ou appelé d’une façon ou d’une autre…J’eusse du prêter plus d’attention à  ce doute avant de descendre. Il passa devant, suivi de Meikford qui tenait une torche propre à  éloigner les Gelées Vertes. Je fermais la marche avec notre allié, chose plutôt inhabituelle pour moi, mais je devais rester auprès de lui, car je sentais son inquiétude. Delerin arrêta brusquement son avancée au bas de l’escalier. Il fit signe que quelque chose n’allait pas. Apparemment, les rats s’étaient enfuis, ou cachés…ou plutôt, avaient disparu sans laisser de trace. Cela était, il est vrai, potentiellement étrange, mais la présence du serpent géant pouvait l’expliquer. Et nous étions assez nombreux, avec des flammes. Même s’ils étaient corrompus, ces anciens animaux gardaient certains réflexes de protection.
   Meikford bondit brusquement sur le côté, mettant fin aux réflexions du groupe. Là  où il se tenait une demi-seconde avant, un masse verdâtre tomba au sol. Les Gelées Vertes, contrairement aux rongeurs, étaient toujours là . Le Ranger n’eu aucun mal à  la faire fuir en la titillant du bout de sa torche. Nous vérifiâmes au plafond pour d’autres menaces, en firent tomber une autre, et progressèrent prudemment dans la voie désormais libre. La pièce en bas de l’escalier semblait une sorte de vestibule. A gauche, une arche donnait sur un couloir partant sur la droite, où les Gelée s’étaient enfuies, et une haute porte renforcée de métal. Des grognements indistincts nous parvenaient depuis le corridor. L’endroit était habité…nous touchions au cœur de la menace. A présent, nous savions que nous n’étions pas venus pour rien. Les craintes du Conseil étaient fondées. Verrions-nous la Paladine Noire ? Le sang des humains devint aussi froid que celui du serpent, qui trembla en sentant monter l’effroi autour de lui.

   Nous éteignîmes les torches, de peur qu’elles ne trahissent notre présence. Kulit se proposa pour aller en éclaireur, sa vision nocturne étant un atout que les qualités de Meikford ne pouvaient compenser. Arrivée à  la grande porte, elle écouta quelques instants, observa par la serrure, releva brusquement la tête et nous intima le silence d’un air effrayé. Juste à  ce moment surgit derrière elle, d’un renfoncement du couloir sans doute, l’origine des grognements que nous entendions plus tôt : un zombie. Ou plutôt…une bonne dizaine de corps déchirés, décérébrés et animés par la magie la plus malsaine qui eut jamais touché ce monde.

   Aussi prompt que d’habitude, Markus décapita le plus proche de l’Oracle d’un coup de tranchant de son épée. Meikford décocha une flèche qui se planta dans l’œil du suivant. Delerin agita sa main droite, murmura des incantations d’une voix caverneuse et rauque, version presque intelligible de celle des morts-vivants. Il fit signe que l’un d’entre eux était sous son contrôle, donc inoffensif. Il ne fallu pas me le dire deux fois, et je me jetai à  bras raccourcis sur le corps animé qu’il avait indiqué. Ces créatures abjectes sont une insulte permanente à  l’Ordre Naturel, une rupture absconse de l’Équilibre et des aberrations innommables, bien pires que toutes les œuvres issues des travaux manipulateurs des mages. Car les morts-vivants sont coupés de tout et ne peuvent trouver de place ou de repos auprès de rien ni personne. Mais attention, ils ne sont pas à  plaindre pour autant ! Car pour être relevé il faut déjà  avoir, dans sa vie, refusé de suivre une quelconque Foi respectueuse de la vie ou embrassé l’une de celles qui prônent la transgression des règles de vie et de mort sous forme de nécromancie. Et, bien sûr, ne pas avoir enterré selon les rites protégeant contre ce genre de manipulation perfide. Aussi, ces entités ne méritent que notre dégoût et ne doivent recevoir de notre part que la purge par les armes ou d’autres moyens expéditifs ! Je n’ai pas honte de l’avouer, je me laissai consumer par la rage alors que j’abatis mon cimeterre sur ma cible, criant mon mépris de ces charognes charognardes. Et ce fut cela qui causa la fin de cette expédition, ou au mieux la précipita. A peine relevai-je mon arme tâchée de sang et de pus que je fus jetée au sol par une lourde planche qui me percuta les reins avec violence. La haute porte derrière moi venait d’exploser sous un coup de hache d’une force titanesque. Sonnée, je me relevai difficilement, aux côté d’un Markus également à  terre. Les Zombies reculèrent devant la puissance du cris de guerre de l’énorme Ogre qui se dressait à  présent au milieux des lambeaux de bois et de métal. Alors seulement, je me souvins de la mise en garde de Kulit et maudit mon emportement.

   Du coin de l’œil, je vis le serpent s’échapper. Il s’en sortirai sauf, sa décision était sage. Mais pour nous, cela serait moins aisé. Kulit avait disparu, sans doute enfouie sous les débris. Le Maître du Temps s’approcha de l’Ogre dans ce qui se voulait une posture de défi, mais le géant dévia son attaque mal assurée d’un rire méprisant. Je tentai bien de venir soutenir mon compagnon, mais n’eu pas plus de succès. L’ennemi était aguerri. D’un seul coup de sa hache démesurée, il nous envoya tous deux à  terre, blessés et le souffle coupé. A ses yeux, nous ne devions être que des fétus de paille, à  peine plus vivants que le pendentif en forme d’œil fendu qui pendait sur sa poitrine musculeuse couverte d’une peau d’ours. Nous trouvâmes cependant l’énergie de nous relever, chancelants. Markus revint à  la charge cette fois, totalement soumis à  l’adrénaline qui le poussait au-delà  de ses limites, il parvint à  occuper le monstre quelques instants, que Meikford voulu mettre à  profit pour tirer en plein dans la tête du la créature immobile. Pour ma part, je me jetai sur le côté, espérant le prendre en tenaille. Mais ce fut la voix de Delerin qui surpassa le tumulte du combat d’un cri de douleur insupportable. La corde de l’arc du Ranger s’était brisée, envoyant le trait droit dans son abdomen ! Il s’écroula, se vidant de son sang, la rate perforée. Décontenancée, je ne parvins pas à  réunir assez de forces pour percer le cuir épais qui protégeait mon ennemi. L’ogre, en revanche ne laissa pas distraire par l’effroyable malchance qui nous touchait à  cet instant. D’un revers de hache, il repoussa Markus, l’assommant d’un coup de pommeau qui lui brisa deux dents et du même geste, me projeta contre le mur, broyant mes bras levé en une maigre protection et mes côtes contre la muraille. Je ne du mon salut qu’au casque de necrophidious qui protégeait mon crâne. Mais incapable de remuer, je ne pouvais que gésir ici, telle un faon brisé. C’était la fin, nous n’étions pas de taille…

   D’un œil à  peine conscient, ou étaient-ce des images que j’imaginai à  partir de sons vaguement entendu, je vis l’Oracle s’extraire de sous les décombre, kukri en main. Avisant sa robe de servante d’Istus, l’Ogre de la menaça pas. Même les suppôts des dieux les plus sombres respectaient donc le Destin. Il lui demanda de choisir quel compagnon elle lui abandonnait en cadeau de la Déesse Multicolore et Incolore, pour que lui et ses compagnons accomplissent leur office. Une décision imposée cruelle et parfaitement contre-nature. Aucun animal ne choisit quel membre de sa tribu offrir aux prédateurs ! Il voulait la tester, voir si elle allait succomber à  la tentation de se donner le pouvoir de Celle dont elle n’était que la représentante. Mais Kulit ne se laissa pas avoir. Elle ne prit pas de décision, ne se laissa pas aller à  la tentation. Elle fit signe à  l’Ogre qu’il pouvait prendre qui il voulait. Il sourit et sans aucune hésitation, attrapa le Maître-Mort inconscient, le jeta sur son épaule et reparti d’où il venait.

   Je me réveillai sous l’effet des plantes curatives que Meikford appliquait sur mes plaies. Rappelée par la voix de Mère, je découvris mes compagnons blafards, atterrés et démoralisés par ce qui venait de se produire. L’un d’entre nous avait été emporté, le plus fragile, le plus susceptible de se laisser séduire par les sombres pouvoirs du Temple, et nous n’avions rien plus faire…bientôt, il serait sûrement notre ennemi. Pis, nous savions à  présent que le Temple était en phase de réveil, qu’il n’avait pas été détruit et s’activait, lentement mais sûrement, grossissant son armée en vue de déferler sur le monde. Sans dire un mot, nous remontâmes l’escalier et quittèrent les lieux, couverts de sang, de poussière d’outre-tombe et de dégoût, accompagnés d’éclairs déchirant le ciel de ce jour tombant, sombre comme notre humeur. Je ne pris même pas la peine de faire des remontrances à  Markus lorsque je le vis tailler les ronces à  coups d’épée pour avancer dans la forêt. C’eut été présomptueux de ma part, car je me sentais responsable de ce qui venait de se produire. Que n’avais-je contenu ma rage et ainsi protégé mes compagnons, mon groupe ! J’avais failli, et n’éprouvais que la honte. Honte et remords, alors qu’avec la conscience de cet échec que je faisais mien, resurgissaient les souvenirs de toutes mes erreurs, tous mes autres échecs, lorsque je vivais auprès de mon peuple.

« Modifié: 10 juillet 2013 à 12:31 par olafgdumvardangh »
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« Réponse #1 le: 10 février 2012 à 15:23 »
Deuxième morceau posté.
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Lukas

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« Réponse #2 le: 10 février 2012 à 17:20 »
Merci JK, cela me rappelle quelques bons moments   :)
En ces temps de tromperie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire.

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« Réponse #3 le: 12 février 2012 à 02:23 »
J'ai fait pété la limite de caractères...

De rien Markus, c'est un plaisir :)

Suite et fin du bastion donc, en haut. Et plus bas, ce qu'a fait Rochraël depuis.
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« Réponse #4 le: 12 février 2012 à 02:25 »
Le lendemain, avant l’aube, je quittai Douhameau pour le Cirque de l’Ours. Comme par le passé, devant mon incompétence, je ressentais le besoin de l’isolement et de la compagnie unique des animaux. Alors que je passai devant les têtes des orques et de l’elfe noir que j’avais plantées sur le chemin, je me remémorai nos victoires récentes. Leurs rictus figés semblaient me narguer depuis l’outre-monde, se moquant de ma prétention passée. Je crachai dans leurs orbites vides et repris ma route, arrivant à  la fin de la forêt, vers la zone découverte que ces sauvages avaient brûlée et arrachée pour asseoir leurs fantasmes de domination. Le soleil levant éclairait l’orbe que l’Ours, dans le Cirque, brandissait, me renvoyant la lumière dans les yeux. Aveuglée, je baissai les yeux vers le sol, et m’arrêtai net.

   Là , entre deux pierres nues calcinées, au milieu des cendres et du granit, une jeune pousse de peuplier se dressait, défiant la lumière, les intempéries, le froid et le piétinement à  elle seule. Comme un cri de vie, un hurlement de défi face à  l’adversité, un rugissement conquérant sur la lande désolée. Un mémento que rien, jamais, ne peut ni ne pourra éliminer la Nature et sa force de vie, de mort et de résurrection. Elle sera toujours là , prête à  ressurgir partout, à  chaque instant, sous toutes les formes possibles. M’agenouillant, je me mis à  pleurer à  chaude larmes, donnant l’eau de mon corps à  cette plante rabougrie qui la méritait plus que moi. Quelle pitoyable servante de Mère je faisais, si je me laissais ainsi aller à  l’abattement face à  la première difficulté ! Et Elle, dans son infinie bonté, trouvait encore et toujours le moyen de me donner une leçon, de me montrer la vraie voie, en professeur aimant, réconfortant et chaleureux qu’elle était. Était-ce ainsi donc que j’avais été élevée ? Les Grugachs ne faiblissaient pas, ils ne s’éclipsaient que pour mieux frapper l’ennemi dans son point le plus vulnérable. Ils transformaient chaque retraite en victoire, chaque pas en arrière en croche-pied pour l’ennemi. Tout comme Mère ne concédait de victoire à  l’adversité que pour mieux repousser dans son dos et s’écrouler sur lui.

   Rassérénée, je me levais et, heureuse cette foi, pleine de gratitude envers la Nature qui dispensait ses leçons sans compter et ravivait la flamme en moi à  chaque instant, je couru vers le Cirque. Ouvrant le passage secret, je l’inspectai…oui, il ferait un endroit idéal pour ce que j’avais en tête. Courant, le sourire aux lèvres je rejoins Douhameau. De nombreuses tâches m’attendaient, et j’avais besoin d’Elmo le Ranger pour les mener à  bien. Je ne voulais pas mêlée Meikford à  cela, il devait être encore sous le choc.

   Lui faisant part de mon projet, il m’expliqua que la substance que les humains appelaient verre devrait convenir. Je lui demandai donc de m’accompagner, et de prendre avec lui de ces récipients. Il ne se fit pas prier, il voulait de toutes façons inspecter le bastion lui aussi, et pensait le moment opportun. Juste après notre départ la queue basse, qui penseraient que nous reviendrions ?
   Nous l’atteignîmes en début d’après midi. En premier lieu, nous récupérâmes les dépouilles des crapauds géants, pour les rendre dignement à  Mère Nature. Afin d’éviter qu’ils ne pourrissent les sols et ne tuent ceux qui les recycleraient, nous essuyâmes tout le mucus empoisonné qui suintait de leur peau à  l’aide de laine tressée. Ces toiles nous seraient rapidement utiles. Je pris également le temps de retrouver le serpent géant, encore effrayé de ce qu’il avait vu la veille. Je m’excusai longuement auprès de lui pour l’avoir exposé à  un danger que je n’avais pas pensé si grand. Devant son regard plein d’inquiétudes sur son devenir, car il craignait que la corruption ne s’étende jusqu’ici, je le rassurai d’un sourire et d’une caresse amicale. J’avais déjà  un nouvel endroit pour lui, où il pourrait bientôt aller vivre. En guise de remerciement pour son aide et son courage, je lui donnai la carcasse d’un chevreau mort de froid pendant la nuit. Le juvénile n’avait pas pu rejoindre la bergerie et s’était fait surprendre par l’orage. L’humain qui s’occupait de ses bêtes avaient accepté de me laisser prendre son corps, il préférait le savoir nourrir un ami de la Grugach que de la vermine. Encore une conception bien étrange de la Nature par les humains, comme si un animal était meilleur qu’un autre. Quoiqu’il en soit, le serpent géant apprécia mon geste, et promit de m’attendre.

   Elmo et moi-même pénétrèrent le bastion par la tour effondrée. Silencieusement, nous rejoignîmes l’escalier des profondeurs. Je n’éprouvais aucune peur, j’avais entière confiance en la main de Mère dans la suite des opérations. Nous nous couvrîmes des étoffes empoisonnées et nous enfoncèrent dans les ténèbres. Ainsi protégés des rats géants, qui n’attaqueraient pas des créatures donnant la mort à  quiconque les toucheraient, nous atteignîmes sans encombres le vestibule et les Gelées Vertes. Prudemment, à  l’aide de flammes et de tenailles en verre, nous parvînmes à  en récupérer huit morceaux vivant dans des fioles fermées. Pas grand-chose, mais suffisant pour un début, et pas assez pour éveiller l’attention sur la disparition, pour le cas où nos ennemis surveillaient ces créatures fongiques.

   Rapidement, nous repartîmes. Sur le chemin du retour, je m’arrêtai dans la vieille remise. Elmo partait devant, il devait aller brûler les étoffes dans un endroit protéger pour que personne ne voient la fumée. Mon rôle était de faire sortir la colonie des rats pour les mettre en lieu sûr. Il ne fut pas difficile de tous les attirer à  l’aide de nourriture humaine. Quand ils m’affirmèrent être tous là  et que je les eus convaincus des dangers du lieu, ils décidèrent de m’accompagner. Passant pas la cuisine, je réveillai avec milles précautions la plus forte des chauves-souris. Le Mal grandissait de jour en jour, il était trop risqué de laisser la colonie finir son hibernation ici. Si jamais il les atteignaient avant qu’elle ne quittent leur sommeil au printemps, jamais je ne pourrais me le pardonner. C’eut été une offense grave aux pour Mère. La dominante des animaux comprit mon inquiétude. Elle aussi avait senti la poussée du Mal, mais ne connaissait pas d’autre endroit où hiberner. Elle et sa colonie venaient ici depuis des années, et c’était la première fois que la menace de la corruption se faisait sentir. Je lui dis que je pouvais la mener vers un endroit qui lui conviendrait. Lentement, précautionneusement, elle éveilla alors ses camarades. A toutes, je donnai une baie ou un peu de viande fraîche, pour leur éviter le trauma du réveil. Et c’est ainsi escortée d’une nuée et d’un vol de chauve-souris que je quittai le bastion, un sourire radieux aux lèvres et le cœur empli d’une sensation de bien-être d’avoir correctement agit. Le soleil couchant illuminait les arbres, comme un écho de mon fort intérieur.

   Le serpent géant se joignit à  nous, ainsi qu’un Elmo dont le regard portait à  la fois respect, surprise et inquiétude. Nous nous séparâmes aux alentours de Douhameau. Je ne pouvais y pénétrer ainsi accompagnée et lui devait répondre au besoin de sommeil des humains. Me tendant le sac contenant notre butin, il me remercia de l’aide que j’apportai tant au village qu’aux bêtes et d’un œil pétri de soulagement comme de joie, me souhaita une bonne nuit. Je repris ma route vers le Cirque de l’Ours.

   Là , mes compagnons animaux s’installèrent sans problème. Derrière l’édifice rocheux coulait une rivière, dont les abord marécageux offraient un logis idéal pour le serpent géant, en plus d’un poste de garde pour l’arrière de ce qui allait redevenir un sanctuaire Druidique. Comme je le pensais, les chauves-souris se sentirent à  leur aise au sommet du passage secret, en haut de l’escalier rocheux qui débouchait à  l’extérieur. Protégées du vent et des intempéries, elles étaient à  l’obscurité et pouvaient facilement sortir chasser. Je leur laissai quelques nourriture encore pour les revigorer, tant ces bêtes sont fragiles pendant l’hibernation. Concernant les rats, je n’eu même pas à  leur proposer le logis de feu l’Elfe Noir ou la prison. A peine arrivés dans le Cirque, ils investissaient déjà  la place, guidé par leur instinct. Je n’eus qu’à  les prévenir de la présence d’une araignée dans une cheminée. Certains se feraient dévorer, c’était la règle. Mais la règle était aussi de savoir le lieu de villégiature de ses prédateurs. Pour ma part, avant de me reposer entre les pattes de l’Ours, il me restait une chose à  accomplir.

   Là  où l’Elfe Noir était tombé, décapité par mon cimeterre et percé de flèches ajustés, dans cette caverne profonde et majestueuse, je libérai les Gelées Vertes. La technique de l’asservissement, ou de l’élevage comme l’appelait les humains, était inacceptable envers des animaux. Mais pour des créatures fongiques, cela n’était pas différent que de faire pousser des plantes dont nous avions besoin et cela, même les Grugach le faisaient. En témoignaient les graines spécifiques, portant ce qui seraient mon arc et ma lance qui croissaient lentement dans le jardin de Tarim le bûcheron. J’avais dont décidé de faire croître des Gelées Vertes ici, dans cet endroit qui me semblait approprié pour elles. Si mon plan marchait, nous pourrions disposer d’armes à  portant toute la puissance intrinsèque de ces fongus. A condition bien sûr qu’elles s’acclimatent et grandissent suffisamment pour que nous puissions prélever de quoi s’armer de temps en temps. Ce qui prendrait plusieurs mois sans compter que d’ici là , il faudrait trouver les forme de verre des humains qui permettrait l’usage guerrier et le transport des Gelées. Mais je n’étais pas pressée, déjà  je disposais de tout le nécessaire. La Nature n’est que rarement précipitée, c’est bien plus discret. Le Temple semblait vouloir appliquer la même stratégie. Ainsi, lorsque viendrait la vraie confrontation, la surprise serait double.

   En entrant dans ma transe reposante aux pieds de l’Ours, je fus submergée par une sensation de bien être. Tout en moi, et même autour de moi, semblait me dire que j’avais franchi une étape importante dans ma mission pour Mère. Coordonner et unifier la Nature comme les Hommes et les Nains mais sans la dénaturer. Faire entrer la Nature dans les civilisations qui s’en étaient coupées…peut-être avais-je en effet fait un premier pas sur ce chemin…Je rêvai d’un Cirque de l’Ours couvert de mousse et de verdure, décorés de lianes en fleurs, ruisselant d’eau claire, abritant un cérémonie druidique dont une foule d’animaux de toutes sortes étaient les spectateurs. Était-ce une vision de l’avenir ou du passé ? J’étais certaine d’avoir vu des Grugachs et des Humains dans l’assemblée…


   Mon œuvre n’était pas finie pour autant. Au matin, je me rendis auprès de Jerio. Je lui demandai de consacrer tout le bois et les champignons dont Tarim m’avait fait cadeau. Il me fallait me mettre au travail et commencer prochainement la forge qui équiperait les servants de la Nature dans les années à  venir. Pour ma part, je parti en quête d’if noir. J’avais repéré une montagne au loin, quelques jours auparavant, dont l’exposition et le sol promettaient de supporter certains de ces arbres précieux.

   Je ne revins que deux jours plus tard, couverte de mille effluves de sèves et de fougères humides. Je ne m’étais pas trompée, il y avait bien quelques ifs noirs dans cette région. Je n’avais pas pu prélever beaucoup de ces arbres encore jeunes, mais suffisamment pour ce que j’avais en tête. Avec l’aide du Druide Jerio, je ravivai un Feu Verdoyant dans le bosquet jouxtant le Cirque de l’Ours, dans le creux d’un chêne tricentenaire, couvert d’une ribambelle de lierre langoureux. Au printemps, l’endroit promettait d’être magnifique. Majestueux même, lorsque la forêt aurait reprit ses droit sur toute la zone. Alors que je contemplai avec ravissement et nostalgie mon nouvel outil de travail et de service à  Mère, Jerio me demanda d’observer ce que j’avais déjà  fait ici et dont Elmo lui avait parlé. Je lui montrai sans crainte. Il approuva chacune de mes actions et de mes choix, vérifiant sans les déranger que les chauves-souris étaient bien vivaces et gratifiant le serpent d’une caresse paternel. Avoir ainsi l’approbation de celui qui était toujours mon mentor avait quelque chose de gratifiant, de nouveau. Il me proposa alors spontanément de m’aider à  ramener toutes les bêtes des alentours du bastion près du Cirque de l’Ours, puisqu’il avait été pour l’essentiel abandonné par ses habitants légitimes. Ainsi, elles seraient protégées et pourraient se rendre utiles à  ces lieux en les reconquérant. Je souris et le remerciai chaudement car, à  la vérité, je n’aurai osé lui demander son assistance dans cette tâche que je comptais bien mener. Mais lui, ayant un lien plus profond avec Mère pour l’instant, pouvait se faire écouter et suivre de bien plus de créatures que moi.

   Jerio et moi-même ramenèrent ainsi toute la population animale possible vers le Cirque de l’Ours. Nous plantâmes des graines et lancèrent moult bénédictions, afin que l’herbe et la forêt repoussent plus vite, pour abriter et nourrir tous ces nouveaux occupants. Lorsqu’il n’était pas là , je travaillais à  mon premier et nouvel ouvrage, à  partir de l’if noir. Un manche de hache, aussi beau que mes capacités usées de n’avoir pas servi depuis si longtemps me le permettaient. Sur la poignée, tout du long était gravé la mention « Ami des Grugach ». Dès qu’elle fut prête, je l’offris à  Tarim le bûcheron, qui m’avait témoigné respect, amitié et connaissance de mon peuple depuis mon arrivée. Nous étions déjà  liés, ceci entérinait le lien. Si d’aventure il venait à  rencontrer d’autres personnes de mon peuple, elles le reconnaîtraient comme un allié et le traiteraient en conséquence. Le bûcheron apprécia fortement mon cadeau et me témoigna comme toujours son affection et son admiration débordante même. Si la moitié des humains pouvaient avoir la simplicité et la moitié de la proximité avec la Nature de cet Homme, jamais nous n’aurions à  nous en faire pour l’émergence du Mal ou du Bien.

   Le manche de hache, pour réussi qu’il était, n’était cependant qu’une mise en bouche pour la tâche titanesque qui m’attendait. Afin de prétendre à  équiper tous ceux qui voudraient suivre Mère, je devais montrer mes qualités d’armurière, démontrer que je détenais le savoir des Grugach, que j’en étais une dépositaire et un héritière de valeur, pas une imitation. Et le cadeau de Tarim me servirait de matière première pour le prouver. Une armure. Une armure Grugach, que je porterais sur moi en marchant au milieu des humains serait l’étendard, le signe qu’ils pouvaient compter sur Mère et ses serviteurs pour les guider et les protéger. Un joyau permanent de l’artisanat de mon peuple, qui ferait revivre les légendes et les Elfes Sauvages dans leurs cœurs impressionnables et leur donnerait foi en la Vraie Voie. Préparant le feu verdoyant, j’accompli les rituels de remerciements à  la Nature pour ses dons et me lançai sur mon ouvrage. En vain. Maintes fois, je recommençais, de jour comme de nuit, mais impossible. J’avais perdu l’habitude, la main et le talent, alors qu’antan j’étais une artisane reconnue et estimée. Et la matière n’était plus la même que lorsque j’œuvrais pour mes frères et sœurs. Les champignons, au fil des décennies, s’étaient fait plus souples, plus aérées, plus fins. Le bois, en revanche, était plus dur, plus lourd. En faire les longues plaques élancées et les torsades dont j’avais l’habitude et qui étaient la marque de l’art Grugach était tout bonnement impossible. A moins que ce ne soit que la région, les sols et leur histoire qui aient façonnés ces plantes d’une façon totalement inconnue de ma science.  Était-ce moi, la matière, le temps, le lieu ou autre chose qui m’empêchait ainsi de rendre hommage à  notre Mère par l’antique rituel de forge verdoyante ? Était-ce moi, l’inepte, ou l’environnement qui m’était étranger ? Dans tous les cas, c’était le déshonneur, puisque si je ne savais plus tenir mon métier premier cela jetais le ridicule sur les esprits des mes tuteurs. Et si je ne savais pas m’adapter, c’était toute la méthode Grugach que je bafouais. Après huit jours de travail sans relâche, je décidai d’abandonner pour le moment et de prendre un repos plus que mérité.

   Une fois de plus, c’est Mère qui m’apporta la solution. M’étant mise en transe près de la forge, donc du marais, lorsque j’ouvris les yeux, je pus contempler d’un seul regard les anneaux brillants du serpent géant que j’avais recueilli et ma matière de travail, jetée à  bas aux côtés de mon casque de nécrophidious, en une succession désordonnée de couches de natures différentes formant une traînée éparse. Que n’étais-je sotte ! Comment n’avais-je pas pensé à  imiter le serpent dans ses écailles avec ce qui m’avait été si généreusement offert ? Le bois, lourd et dur, façonné en petites plaques dures s’insérerait parfaitement dans une étoffe de champignon souple et léger, permettant à  l’ensemble de suivre les mouvements du porteur tout en s’y adaptant pour le protéger toujours aussi efficacement. Une armure d’écailles pour couvrir mon corps coiffé d’un crâne d’une aberration ophidienne, n’était-ce pas, au fond, ce qu’il y avait de plus naturel ?
Me remettant au travail avec une vigueur et un entrain renouvelés, je mêlais, collais, laminais, fusionnais, modelais, emboîtais une à  une les centaines de pièces qui feraient bientôt ma seconde peau, me remémorant combien les reptiles et notamment les serpents semblaient avoir accompagné et guidé mon voyage depuis le début de mes souvenir : le bracelet de la goule, que j’avais offert à  l’Imp et dont le double enserrait toujours mon poignet ; Swilbosh ; le lézard géant que j’avais libéré des Bogwarts ; le nécrophidious et tous les squelettes de serpents qu’il animait par magie ; le serpent géant que j’avais sauvé du bastion ; et maintenant l’imitation de leur peau que je m’apprêtais à  arborer. Trois jours et trois nuits complets furent nécessaires, mais au final, l’armure qui sorti de ma forge était parfaite. Exactement conforme à  mes besoins. Elle s’ajusta doucement sur mes vêtements de cuir souple, épousa mes gestes. La cire luisait dans le soleil levant, caressant ma nouvelle peau, ma nouvelle mue d’un rayon approbateur. Je me sentais prête à  affronter les armées du Mal, à  lever celles de la Nature. Mon regard avec retrouvé la fermeté des Grugachs, même si mon cœur était ouvert à  la découverte et à  l’apprentissage comme le devait une Druidesse de Voie. Sur mon visage, les tatouages avaient changés. De l’initiée voyageuse, ils avaient pris une forme plus agressive, plus tranchante. Exploratrice et répurgatrice, voilà  le message que je portais désormais face au monde. Je porterais la Voie de part le monde, avide de donner autant que de recevoir et de découvrir. Mais ceux qui la souilleraient seraient traqués, chassés et châtiés. Implacablement. Si pour certains d’entre eux, la rédemption serait possible, seule leur réintégration aux cycles de la Nature ferait office de salvation pour les autres. Et je savais par qui commencer. L’Ogre, et le Maître-Mort devrait revenir sur le bon chemin.

   J’ai constaté depuis deux ou trois jours des changements en moi et autour de moi. Retravailler la forge, traverser la forêt de long en large, soumettre mon corps à  la fatigue et les blessures l’ont renforcé plus que de raison. D’avoir autant fait office de guide auprès des animaux, d’avoir progressé sur ma Voie m’ont rendue plus assurée, plus forte mentalement. Certains humains viennent me voir lorsque je passe près d’eux, ils semblent attirés par moi. Toujours avec respect. Les conversation se taisent souvent lorsque je passe et on me regarde intensément, mais sans curiosité mal placé. Sans doute commence-t-on à  me reconnaître comme une championne de Mère. D’ici quelques temps, je crois le comprendre, on viendra à  moi pour servir de guide vers la Voie. D’où, là  encore, une meilleure compréhension pour moi de l’intérêt de l’écriture. Car je ne pourrai être là  chaque fois qu’il y aura une question, ni toujours me souvenir de tout à  chaque instant. Jerio est sage, je le pense. Jerio qui, d’ailleurs, m’a montré comment faire usage de certains cadeaux que nous avons reçus pareillement de Celle que nous représentons. Car même si, en tant que Druide de Choix, nous n’avons pas tout à  fait les mêmes dons, certains se recoupent et avoir un mentor pour connaître les justes prières et les bons rituels pour les mettre en pratique dans le respect de Celle qui nous les offre est une très bonne chose. Je suis d’ailleurs vers lui alors que j’écris ces lignes et il me semble entre le pas de la demi-Elfe. Sans doute a-t-elle quelques nouvelles de nos compagnons, car je ne les ai pas revus depuis que nous avons quitté le bastion…
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« Réponse #5 le: 14 février 2012 à 21:39 »
Avec les images de Olaf en plus, ça déchire bien !
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