Les deux comparses découvrent, lorsque l'effet des spores se dissipe, le captif des deux autres membres du groupe, revenant au même instant. Rochraël, reconnaissant l'homme, ne se prive pas de lui envoyer son poing dans la figure, juste pour s'assurer qu'il est bien inconscient.
- Euh...tu le connais ? demande Kulit.
- Oui, c'est lui qui nous a fait capturer, Feudir et moi, et m'a faite attaquer en traître par ses hommes. C'est lui leur chef ! Derek, c'est son nom.
Voilà qui concorde avec les informations d'Ollwin. Derek est, selon lui, arrivé il y a quelques semaines à Orlane, et pas vraiment pour le meilleur...Il n'a pas perdu de temps pour se faire connaître du culte et gagner une position d'importance en son sein...
Feudir profite de la discussion pour fouiller le prisonnier, pestant de n'y point trouver son stylet. Kilvine s'enquiert de la signification de cette arme pour lui. La réponse évasive, baragouinée et hésitante ne la satisfait pas du tout. Pour cette fois, elle se contente cependant d'un sarcasme. Il y a en effet plus important.
- Le jour pointe, dit-elle. Si nous voulons l'interroger, ce n'est pas ici qu'il faut le faire, les clients ne vont pas tarder à arriver.
Le groupe se range à son avis. La druidesse, avant de partir, cherche en vain Sishera, la vipère aspic disparue lors de son enlèvement. Elle relâche également Ashurath, le serpent de boue, le remerciant chaudement de son aide et lui souhaitant de n'être plus incommodé par ces humains irrespectueux.
Les quatres aventuriers se rendent dans la grange à côté de l'auberge, déserte à cette heure. Feudir parvient à convaincre les trois aventurières de le laisser interroger Derek. Il assure qu'il obtiendra de bons résultats si on lui fait confiance. La cocinomancie de Kulit ayant eu des conséquences néfastes la dernière fois, et les autres n'ayant pas forcément plus d'argument que cela, on le laisse se charger de Derek. Seule Kilvine s'oppose fermement à ceci mais, n'ayant rien à proposer de mieux, sa réserve se tarit rapidement.
Malheureusement, alors que Derek est pendu à une poutre, la tête en bas, Feudir est soudain pris d'une pulsion sanguinaire et, au lieu de réveiller l'homme en lui serrant légèrement la gorge, lui écrase brutalement la trachée d'un geste vif et meurtrier. L'Elfe Grise réagit au quart de tour, son épée cinglant en direction du Nain, qui esquive, un sourire sadique passant furtivement sur son visage. Kulit et Rochraël l'ont même vu rapidement se signer de la croix d'Abbathor, le dieu Nain des Assassins et de la Cupidité, avant de prendre la vie de Derek.
- Pourquoi as-tu fais ça ? Ça n'a aucun sens, aucune raison ! On ne peut pas te faire confiance, suppôt du Mal ! rage Kilvine, menaçante, la pointe de sa lame pointée sous la gorge du Nain.
- Je...je suis vraiment désolé...je ne sais pas ce qui m'a pris...je n'ai pas fait exprès...c'est comme cette autre fois, dans mon village...la faiblesse, le sentiment de pouvoir le faire...et voilà...c'est pour cela qu'on m'a banni ! Mais j'essaie de me contrôler, c'est vrai ! C'est juste que je ne peux pas prévoir quand ça va me prendre !
L'Oracle et la Druidesse observent la scène calmement. Les conflits du Bien et du Mal, elles les connaissent. Leurs ordres respectifs ne sont pas concernés, mais ils se doivent d'arbitrer, de relier les deux en ces heures sombres. Même si elle n'est pas convaincue par les paroles du Nain, Rochraël promet de l'aider à contrôler ses pulsions. Il est un outil, qui peut être utile à une grande cause s'il est convenablement dirigé, argue-t-elle. À présent que nous savons et qu'il s'est montré franc, à nous de l'aider à canaliser cet instinct dangereux mais puissant. Kilvine finit par ranger son arme, vaguement convaincue. Pour cette fois, elle se range à l'avis de la Grugach. Après tout, peut-être sait-elle des choses qu'elle ignore ? De plus Kulit commence les passes arachnéennes, tentant de remonter le fil du Destin pour corriger les erreurs du Nain. Pour toute réponse, une silhouette malingre, un vieillard grisonnant, appuyé sur un bâton, se manifeste bruyamment à la porte.
- Kulit ! Oracle d'Istus ! Que fais-tu encore, à vouloir tirer sur la corde du Destin ? N'as-tu donc point conscience qu'à force de trop tirer sur celle-ci, elle pourrait se rompre ?
En une fraction de seconde, les armes se lèvent puis s'abaissent. Rochraël va même jusqu'à baisser les yeux en signe de respect envers celui qu'elle et Kulit ont reconnus comme Daoud, le principal émissaire d'Istus. Kilvine et Feudir eux, restent sur leurs gardes. L'homme dégage une puissance impressionnante certes, il porte les insignes de l'Incolore et de la Multicolore, certes. Mais justement, quelle déesse est plus imprévisible que celle dont la toile relie tout ce qui vit, meurt, est et n'est pas, sera et était ?
- Kulit, la qualité qu'Istus te confère, tu t'en sers pour corriger ce qui ne te plaît pas. Que feras-tu, le jour où, ayant épuisé cette ressource, tu en aurais véritablement besoin ?
- Ma foi, j'altère le Destin, c'est encore mon droit en temps qu'Oracle non ? C'est aussi un peu ce que je fais, mon devoir ? Le lire, mais aussi le modifier.
- Oui, mais...tu ne saisis pas... Altérer n'est pas une question de vouloir, c'est une question de ressentir... le moment, l'instant exact, le nœud qui doit être fait, défait, refait... Ressentir l'instant.
L'échange continue ainsi quelques temps, la demi-elfe s'empourprant davantage à chaque parole plus sybilline encore que la précédente. Ce vieillard donneur de leçons incompréhensibles ne lui plait pas, envoyé d'Istus ou non. Elle finit par se mettre ouvertement en colère. Rochraël tente timidement de calmer le jeu, craignant pour la suite des événements, mais Daoud la rabroue sévèrement. Il offre cependant, puisque l'Oracle ne veut pas l'écouter, de se faire entendre par le autres. Feudir le provoque d'une estocade verbale, que l'homme lui renvoie de plein fouet, prononçant par là-même le nom du dieu patron de Feudir, qu'il tenait caché...
L'Oracle fait finalement sortir Daoud, qui repart sans doute contrarié. Elle s'avance quelque peu, pour s'assurer qu'il a bien disparu, et tombe nez-à-nez avec deux Gobelins et deux Hobgobelins, armés de pied en cap, arborant le symbole du Clan Tysh. Prêts à en découdre, mais pas pour autant avec elle. Après quelques mots, ils lui font signe de s'écarter.
Rorchaël, trouvant que Kulit reste dehors bien longtemps, ouvre la porte. Elle croit voir son amie attaquée, et lui crie gare, alertant la Chasseuse de Primes et le Nain, trop heureux de pouvoir croiser le fer avec ses ennemis héréditaires.
Mais les quatres gobelinoïdes ignorent la demi-elfe qui passe son chemin, chargeant directement Feudir et la Druidesse, qui improvisent un rempart de leurs boucliers et de l'embrasure de la porte. Rempart dont le premier merlon, le Nain, tombe au premier coup de pique d'un gobelin vêtu de maille, qui trouve fort habilement la faille dans la posture défensive du Nain. Rochraël, en revanche, tient bon, parant et bloquant les coups des trois autres, faisant usage de son bouclier, de sa lance et de l'environnement étroit pour rester protégée. Ce faisant, elle permet à Kilvine, juchée sur le toit de la grange, de ficher deux flèches dans les défauts de l'armure lamellaire du plus gros des hobgobelins. Il s'écroule peu après, la gorge tranchée par un coup de lance tournoyant, non sans avoir signifié d'un sourire narquois qu'il était inutile à la Druidesse et à la Chasseuse de Primes d'appeler leurs compagnons...ils étaient déjà bien occupés...
Kulit contemple la scène, refusant d'agir pour l'instant. Puis, finalement, appelle Corvo. Le combat se poursuit, Rochraël repousse la pique qui a eu raison de Feudir, l'épée d'un autre gobelin, mais elle doit s'ouvrir pour se faire. Le Hobgobelin en profite et lui enfonce sa masse d'armes dans la poitrine. Il ne se gaussera pas longtemps de son exploit, Kilvine le cueillant de deux flèches en travers de la gorge. Corvo arrive par derrière, mais ni sa présence odorante ni ses dents aiguisées n'inquiètent les Gobelins restants. Contrariée, Kulit lance sa Toile d'Istus, d'un geste parfaitement exécuté, et capture les deux agresseurs. Lardés de fer, ils demandent grâce, mais dans le feu de l'action, Rochraël ne parvient pas à retenir son coup et embroche celui qui tenait la pique fatidique.
Pendant que la Grugach dispense les premiers soins au Nain, Kilvine et Kulit interrogent leur captif. Apparemment, la seule cible du Clan Tysh reconstitué est la Druidesse, qui concentre toute la vindicte du Chef Rouge à cause du Golem qui ravagea son armée à Douhameau. Le Clan Tysh, par ailleurs, se rassemble dans le Pomarj, avec d'autres armées Gobelines, Orques et affiliés, prêts à fondre sur le monde. Vingt-cinq soldats ont été envoyés à Orlane pour bouter le feu à la ville et ramener la tête de Rochraël. Ils les suivent depuis plusieurs jours, semaines même.
Kulit décide de partir seule, à pied, au Temple de Merikka, lassée de ses compagnons peut-être. Le cas échéant, pour un temps seulement, espèrent-il. Après tout, c'est Corvo, guidé par Rochraël, qui transporte Feudir vers un Ollwin qui tombe des nues, tant de voir l'équipage qui s'approche que de l'odeur pestilentielle de la monture. Une fois la stupeur et la nausée passée, sa médecine fait une fois de plus merveille, et bientôt le Nain ouvre un œil ensanglanté mais alerte. Rochraël n'est pas en reste, il parvient plutôt bien à panser ses plaies malgré les épines hérissant le corps de la Druidesse. Kilvine enferme le Gobelin dans la cave de l'auberge, avec une ferme interdiction pour Feudir de s'en appocher. Le regard menaçant qu'elle lui lance ne lui donne pas envie d'enfreindre l'interdit. Il est vrai que la créature s'est montrée plutôt coopérative et, ma foi, plus mercenaire quasi-opprimée que malfaisante, et elle pourrait rendre service au Nain par ailleurs, propose Rochraël. Feudir, pour détendre un peu l'ambiance, offre une tournée générale.
Kilvine demande à la Grugach, pour remercier Ollwin de ses bons soins et de sa confiance, de lui fabriquer un sifflet lui permettant d'appeler Oska, si jamais il était en danger. Elles lui doivent bien cela, après tout. Il faudra cependant deux essais à Rochraël pour le faire, la Druidesse n'ayant pas l'habitude des morphologies et souffles humains. Par ailleurs, la présence du Clan Tysh étant plutôt inquiétante, on décide de monter un branle-bas-de-combat rapide mais discret, pour ne pas éveiller les soupçons des envahisseurs. Quelqu'un part discrètement chercher le bourgmestre.
C'est alors que Rochraël, quand Feudir évoque les armures de leurs assaillants Gobelins sort en courant de l'auberge du Serpent Fumant, criant à la volée qu'elle va à la grange et revient juste après...