Club la Lune Rousse (JdR) > Jeux et règles
Sombre
Johan Scipion:
La croisière s'amuse, horror style
Vous souvenez-vous qu'il y a un peu plus d'un mois, je vous parlais des nouveaux licenciés de chez Sombre ? Deux fans qui travaillaient sur un e-zine à paraître dans 1d3 mois. Ils ont fait leur jet et obtenu 1. Réussite critique ! Ouais d'accord, une chance sur trois de toper le critique, c'est cheaté. Qu'importe, le résultat est là : le premier numéro de Séqell vient de paraître.
Au sommaire de ce PDF d'une cinquantaine de pages, quatre scénarios d'horreur marine destinés à un public averti. Dans le détail :
+ Sky Marshall livre les deux premiers épisodes d'une campagne de survie arctique, avec de vrais morceaux de zombies dedans. Du PvE en Classic, dans lequel les joueurs incarnent d'abord une gentille famille russe, puis les courageux matelots d'un navire en perdition.
+ DeathAmbre propose, en guise de double programme, un survival horrifique suivi de sa préquelle. Du PvP furieux en Classic puis Zéro. Huis clos sans pitié dans une épave à la dérive, entre secrets de famille et rituels de sang.
En vente exclusivement sur DriveThru.
Johan Scipion:
Bilan Sombre - épisode 1 / 11
Il m'arrive de poster sur le Net rôliste des bilans de mon activité. En général, ce sont de bonnes grosses tartines indigestes. Pour tenter de conjurer la malédiction du TL;DR, j'ai cette fois-ci décidé de découper mon texte en petits bouts. Nous voici donc partis pour quinze jours de posts quotidiens (hors week-ends, c'est syndical). Comment ça, vous n'en demandiez pas tant ? Hé mais bienvenue dans le feuilleton Sombre ! C'est cadeau, c'est plaisir.
*
« Do you want to live forever ? », demandait Valeria, en pleine phase disco glitter. Par Crom, je vous avoue que cela m'aurait plu. Je me serais bien vu faire du Sombre toute mâââ vie, jusqu'à la fin de ma mort. Sauf qu'à la fin justement, il ne peut en rester qu'un, et on sait tous que le Highlander de l'horreur ludique a des tentacules au menton. Gros Toulou, tu peux pas test.
Sombre boxe dans une toute autre catégorie, celle des jeux à la durée de vie plus courte. Ce modèle économique est quasi la norme chez les éditeurs et auteurs indépendants. Nous ne sommes pas nombreux à creuser encore et toujours le même sillon. Moi perso, je suis dans ma neuvième année Sombre. « Mon Dieu, tout ce temps déjà », disait doc Brown. Parce que ouais, mon premier numéro est paru en 2011.
Presque partout ailleurs dans mon micro milieu éditorial, on publie des standalones, livres de base autosuffisants, possiblement prolongés d'un supplément en cas de succès. Dans le meilleur des cas, les gammes sont fermées. Pas plus de cinq ou six produits, parfois réduits à deux ou trois parce que les ventes se sont cassées la figure en cours de route.
Je m'apprête pour ma part à publier mon quatorzième numéro. Alors oui, ce n'est que du fanzine, pas du « vrai » jeu de rôle. Comme vous le savez si d'aventure vous y avez jeté un œil curieux, la revue Sombre est constituée de fascicules A5 de 72 pages, des publications modestes et néanmoins très denses. Que du texte, pas d'illustrations intérieures, ou si peu. Mais si on met tous ces fanzines bout à bout, ils commencent à peser presque aussi lourd qu'un « vrai » livre de base.
Quel que soit son avenir, Sombre est d'ores et déjà un colossal succès. Je me jette des fleurs par quintaux, mais c'est qu'après tout ce temps, je suis encore surpris d'en être arrivé si loin. C'est aux joueurs, meneurs, lecteurs, tipeurs et clients de Sombre que je le dois. Big up à vous, les gars et les filles. Votre soutien me fait chaud au cœur.
La suite demain.
Johan Scipion:
Bilan Sombre - épisode 2 / 11
Previously : dix ans que je trime sur la revue Sombre. Bientôt quatorze numéros, soit tout mis bout à bout, presque un « vrai » jeu de rôle.
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Dès le départ, je connaissais l'évolution probable des ventes de Sombre, qui est celle de tous les jeux de sa catégorie : la courbe en cloche. Gauss mon amour, n'est-ce pas. Avec un peu de bol, ça commence par monter assez fort, mais dès que ça en vient à stagner, c'est que la redescente est proche. C'est à ce moment que les gammes prévues en cinq ou six volumes finissent précipitamment en deux ou trois. Et de fait, la prédiction s'est réalisée. Après avoir connu de beaux jours, Sombre se casse la gueule. Les ventes s'effritent.
Quid des facteurs conjoncturels, demandez-vous ? La reprise économique qui peine à passer la seconde ? La généralisation des crowd fundings dans le milieu rôliste, qui drainerait tout le budget loisir des joueurs ? Jupiter en opposition avec Saturne dans la maison du Bélier ? Aucun moyen de savoir si cela a une quelconque incidence sur les ventes de Sombre. Du coup, je vais faire comme si cela n'en avait pas. Parce que même si cela en avait, il n'y aurait rien que je puisse faire.
Je me concentre plutôt sur ce qui est à ma portée, ce sur quoi je peux agir. En premier lieu, sur la qualité de mes produits. La question qui me taraude est de savoir si Sombre est devenu moins bon. Moins de qualité, donc moins de ventes, ce serait logique. Étant entendu qu'on n'est jamais le meilleur juge de son propre travail, je ne suis pas le mieux placé pour y répondre. N'empêche que j'ai un avis.
Perso, je pense que la qualité se maintient. Et même, parce que jouer les faux modestes ne me permettra pas d'y voir plus clair, j'irais jusqu'à prétendre que sur plusieurs points, cela s'améliore. Je parle du fond bien sûr. Parce que sur la forme, c'est tout comme pareil depuis le premier numéro : un petit zine agrafé, maquetté sous Word. Ah si quand même, maintenant le dos est carré. Luxe.
Pour ce qui est du contenu, je tiens le cap. Je playteste toujours avec sérieux, rédige avec rigueur, relis et fais relire sans épargner ma peine ni celle de mes collaborateurs. Pour maintenir le niveau de qualité de mes textes tout en assurant en parallèle le millier d'autres tâches que nécessite la bonne marche de la revue, je me discipline et m'organise sur l'année entière. Ce faisant, je prends du métier, en écriture comme en direction éditoriale. À mon avis, les derniers numéros sont mieux branlés que les premiers. Le style est meilleur et les sommaires plus cohérents. Je pense avoir gratté du pEx.
La suite demain.
Johan Scipion:
Bilan Sombre - épisode 3 / 11
Previously : presque dix ans que je trime sur la revue Sombre et m'efforce de maintenir la barre aussi haut que possible. Du gros taf, que je pense faire de mieux en mieux.
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Si la revue s'améliore, pourquoi donc les ventes se cassent-elles la margoulette ? Ce n'est pas faute d'avoir fait de gros efforts de variété : des zombies, du conte de fées noir, du slasher, de la science-fiction, des rednecks, de l'horreur gothique, du drama dark, des actioners horrifiques, du jeu de cartes pas à collectionner. You name it. J'ai également bossé l'accessibilité. Un système simplifié pour les débutants, et un numéro spécial jeu en famille. Rendez-vous compte, j'ai publié un scénario pour les enfants de 7 ans ! J'ai aussi pensé aux hardcore rôlistes. Deux numéros dédiés aux actioners horrifiques, sous-genre plus proche de la pratique dominante du hobby, et un consacré aux campagnes. Même deux fois du Cthulhu, dans Sombre 2 et 9. Plus commercial, tu meurs.
Et cela ne m'a pas coûté. Je veux dire que je n'ai pas eu l'impression de vendre mon âme au grand capital en publiant tous ces trucs. En vrai, j'ai kiffé ma race. Sombre m'a entraîné sur des territoires ludiques dans lesquels je n'imaginais pas m'aventurer un jour, et ce ne fut que du bonheur. Mon avis est qu'avec tout cela, la revue est aujourd'hui aussi appétante qu'elle le sera jamais.
Pourtant, les ventes diminuent quand même. Tropinjuste ? Je ne crois pas. C'est dans l'ordre des choses. Comme je l'écrivais hier, je m'attendais dès le départ à ce que leur courbe soit en cloche. L'explication ? De mon point de vue, il y en a plusieurs. En premier lieu, la saturation. J'ai écoulé un bon petit paquet de zines depuis 2011, et mon marché n'est pas extensible à l'infini. Il me reste sans doute des rôlistes à conquérir, mais j'en ai aussi rassasié pas mal.
En francophonie, le jeu de rôle d'horreur est un petit segment du marché ludique, largement dominé par Gros Toulou. Sombre existe depuis toujours en marge du Grand Ancien. Ça pour le coup, c'est structurel. Si on considère que Cthulhu est le Coca Cola du jdr horrifique, le produit que tout le monde aime et consomme, je n'ai pas inventé Pepsi, un produit tellement similaire que tout le monde pourrait également l'aimer et le consommer. J'ai mis sur le marché un petit soda acide qui t'arrache la gueule. Il y a des gens pour kiffer, mais ce ne sera jamais un produit de grande consommation.
Alors oui, j'ai mis un peu de sucre dedans et sorti tout un tas de variétés, mais je n'ai pas l'intention d'aller plus loin. En dépit de mes incursions sur les terres lovecraftiennes, il n'y aura pas de Sombre goût Pepsi. Comme je le disais, ouvrir le jeu ne m'a pas coûté. J'avais envie de le faire et suis content d'y être parvenu. Mais si l'expérience des conventions nous a enrichis, Sombre et moi, il n'en demeure pas moins que nous campons fermement sur nos fondamentaux. Nous, on aime la trve horror cinématographique.
La suite demain.
Johan Scipion:
Bilan Sombre - épisode 4 / 11
Previously : près de dix ans que je trime sur la revue Sombre. Mais aussi varié et riche soit-il désormais, mon jeu reste pointu, ce qui limite de facto son public.
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Je n'ai aucun moyen de savoir combien de rôlistes francophones s'intéressent ou pourraient s'intéresser à Sombre, mais en près de dix ans, je pense avoir touché une fraction non négligeable de mon public potentiel. Sur le tas, une bonne partie est rassasiée de mon jeu.
+ Il y a ceux qui ont acheté en croyant qu'ils aimeraient, mais en fait non.
+ Il y a ceux qui aiment et sont parfaitement satisfaits de posséder un ou plusieurs zines dans leur ludothèque, soit qu'ils n'aient acheté que pour lire un peu, soit qu'ils jouent avec, mais ne ressentent pas le besoin de plus parce qu'ils ne sortent le jeu que pour une partie de temps à autre.
+ Et il y a enfin ces meneurs qui se contentent de peu parce qu'ils ont vite trouvé le Sombre qui est en eux, et ne voient donc pas d'intérêt à ce que je continue à leur expliquer le mien.
Tous ces profils existent dans la vraie vie. Je ne théorise rien, je ne parle que de gens avec qui je discute à chaque convention. Sauf la première catégorie (ceux qui n'ont pas aimé), ils constituent une fraction importante des fans de Sombre, mais ne font plus partie de ses clients. Mes nouveautés leur en touchent une sans déranger l'autre.
Ce n'est pas tout. Plus que tout autre, un phénomène freine les ventes de Sombre : l'usure de la routine. À l'automne dernier, lorsque Steve J a annoncé la sortie de Sombre HS4 à l'antenne de Radio Rôliste, l'un de ses coanimateurs lui a demandé « Il y a combien de Sombre maintenant ? J'avoue que j'ai perdu le fil ».
Je me souviens des premiers temps de la revue, chaque sortie était un petit événement. Toutes proportions gardées, hein. Je ne sabrais pas le champagne ni ne chantais « Tout nu, tout bronzé » en string sur mon bureau, mais quand même. Il y avait une petite ébullition sur le Net et dans la vraie vie.
Aujourd'hui, après treize numéros, c'est devenu business as usual. Les hardcore fans trépignent toujours, ce qui est top cool (je vous kiffe, les gens). Le reste du monde rôliste est très largement indifférent, ce qui n'aide pas à faire le buzz et maintenir les ventes.
J'avoue que c'est un peu difficile à vivre. Pas l'indifférence en elle-même bien sûr, qui est naturelle et attendue. J'ai suffisamment d'expérience de l'écriture pour savoir qu'on ne peut carrément pas plaire à tout le monde, et que tout ce qui dure finit invariablement par lasser. Ce qui me plombe le moral, c'est qu'il s'agit du résultat d'un travail acharné. L'effet de routine est le produit de ma régularité, qui elle-même s'appuie sur une énorme quantité de taf.
Du point de vue de l'auteur, un numéro de Sombre est tout sauf business as usual. Cela me demande une organisation et une énergie colossales. Alors que côté public, au bout d'un moment, c'est juste un zine de plus. Tropinjuste ? Pour le coup, ouais. Mais c'est la vie de créatif.
La suite demain.
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