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Sombre

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Johan Scipion:
Bilan Sombre - épisode 5 / 11





Previously : près de dix ans que je trime sur la revue Sombre. Du gros taf. Aussi varié et riche soit-il, mon jeu reste pointu, ce qui limite son public. Quant à sa longévité, elle produit de la routine par effet d'usure.


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2016 fut ma meilleure année. Depuis, ça s'érode. Il n'y a pas encore le feu à la maison Sombre, mais la température monte. Si les choses continuent à se détériorer, mes projets seront compromis à moyen terme. Serais-je publié par un éditeur tiers que nous aurions eu depuis longtemps une conversation téléphonique ou un échange de mails sur le thème « Sombre c'est bien, mais as-tu pensé à la suite ? Tu n'aurais pas d'autres idées que la peur comme au cinéma ? ».

Sauf que je m'édite moi-même, et que quand Johan éditeur est venu voir Johan auteur, ça s'est passé comme ça :
– T'es au courant que les ventes se barrent en sucette ?
– Ouais, j'ai maté la feuille Excel.
– On arrête alors ?
– Tu rigoles ou quoi, y'a le numéro spécial slasher à sortir, qui va être trop bien. Et puis le livre de base de Max, sur lequel je bosse depuis 2012. Et plein d'autres trucs encore. On ne peut pas lâcher maintenant que ça devient vraiment cool. Trois systèmes Sombre, t'imagines le gros délire ?
– Ouais t'as raison, on continue !

Donc je me suis accroché. Parce que je surkiffe ce putain de jeu. J'ai la passion, nom de Dieu. Un trve fan, le gars Johan. Or le trve fan, c'est pas celui qui vient à ton concert lorsqu'il fait beau. C'est celui qui y reste quand il se met à pleuvoir des cordes de chez cordes. Moi, ça fait plus de trois ans que je patauge dans la boue. Au début, j'en avais jusqu'aux chevilles, maintenant c'est jusqu'aux genoux, bientôt j'aurais les couilles au frais, ce qui n'est pas une perspective super réjouissante. Ah que glagla dans mon slip.


La suite lundi.

Johan Scipion:
Bilan Sombre - épisode 6 / 11





Previously : près de dix ans que je trime sur Sombre, une revue pointue à la fanbase forcément limitée. Mais qui dure, malgré l'érosion de ces dernières années.


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Actuellement, je gagne, net après impôts, quelques centaines d'euros par mois à produire et animer Sombre. Mais cela s'amenuise. Y'avait plus de centaines il y a trois ans. Au rythme où vont les choses, la question est de savoir jusqu'où je vais-je continuer d'accepter de travailler 60 heures par semaine (les petites semaines) ? Est-ce que 200 euros par mois, ça le fait ? Ou 100 ? Ou 50 ? Est-ce que je continuerai de bosser même si je ne gagne plus rien avec mon jeu, comme ce fut le cas durant les quinze premières années de son développement ? Jusqu'où exactement la passion me mènera-t-elle ? Très honnêtement, je n'en sais rien. À un moment, j'atteindrai mes limites. Personne ne vit d'amour et d'eau fraîche.

Je n'en suis heureusement pas encore là. En regardant ma courbe de ventes et ma boule de cristal, je me dis que j'ai peut-être cinq ou six numéros devant moi. En soi, ce n'est pas si mal, surtout si l'on considère que j'en ai treize derrière. Le micro souci est que j'ai des présommaires plus ou moins avancés pour au moins une douzaine. Rien qu'à faire le compte de ce que j'ai promis, que ce soit sur le forum de Terres Etranges, dans un quelconque édito de la revue, ou au détour de l'un de mes articles, ça fait pas mal de matos :

+ Des articles justement, dont certains que je juge essentiels. Il faut que je m'intéresse de près à la jauge d'Esprit, aux antagonistes et au combat. Je voudrais aussi faire une liste détaillée de mes trucs et astuces de meneur. J'envisage également un papier sur le jeu en convention. Ce serait une bonne manière de valoriser les pEx que j'ai accumulés sur le sujet ces quinze dernières années.

+ Dans l'édito de Sombre 2, j'annonçais du jeu sans règles, c'est-à-dire en pur roleplay théâtral. Ce scénario est toujours au programme, mais il est si particulier que je n'ai eu de cesse de le repousser au profit d'autres plus accessibles. Il faudra un jour que cela s'arrête. Je veux le publier.

+ Dans ce même édito, je promettais aussi des rednecks, ce que j'ai tenu dès Sombre 4, et des vampires. Là par contre, rien de paru encore, mais je voudrais concrétiser dans un futur proche. Je fais déjà tourner un scénario à thème vampirique en convention, et il se pourrait que j'en aie d'autres en projet. Les vampires, demain j'arrête.

+ En parlant de mes scénars de conv, il y en a tout plein qui sont bouclés et n'attendent que l'opportunité d'une publication. Il s'agit de scénarios flash en Zéro. En particulier, j'en ai un dans lequel les PJ sont des chats. Il me tarde de le mettre dans la revue tant il est fun.

+ Je veux assurer le suivi de Max. Je lui ai consacré mes deux derniers numéros (Sombre 9 et HS4) et voudrais faire plus. Cette variante m'éclate, écrire d'autres scénars pour elle serait un véritable plaisir.

+ Enfin, j'ai toujours l'envie de creuser Extinction, l'univers post-apo marin et lovecraftien dont j'ai publié le cadre général dans Sombre 2. J'aime ce décor de jeu, et souhaite en faire profiter le plus grand nombre. Mais pour cela, il faut que je publie du matos prêt à jouer. Un setting au moins, ou peut-être un scénario. Ou peut-être les deux.

Vous le constatez, ce ne sont pas les projets qui manquent. J'ai masse d'idées en réserve. Et je précise que rien de tout cela ne concerne les numéros de 2020. Pour eux, j'ai d'autres plans encore, que je ne tarderai pas à vous révéler. En clair, y'a du lourd dans les tuyaux.


La suite demain.

Johan Scipion:
Bilan Sombre - épisode 7 / 11





Previously : près de dix ans que je trime sur Sombre, une revue qui dure, mais dont les ventes s'effritent. Pourtant, je voudrais aller au bout de ma démarche éditoriale et de mes envies créatives.


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On n'est jamais à l'abri d'un succès, mais je ne pense pas pouvoir inverser la tendance. J'entends par là que je ne crois pas que mon activité puisse renouer avec la croissance. Même la stabiliser me paraît difficile. Par contre, je pense avoir une chance raisonnable de ralentir la descente. C'est ce à quoi je consacre mes efforts depuis 2017. J'avoue que, psychologiquement, c'était bien plus confortable avant, quand les ventes étaient en croissance. T'as plus la motivation quand tu bosses pour grimper que pour freiner la dégringolade. Mais hé, si ce boulot était facile, ça se saurait depuis le temps. Et tout le monde le ferait.

Mon souhait serait que ça se casse la gueule un peu moins vite, ce qui me ferait gagner quelques numéros. En gratter trois ou quatre serait royal. Parce que voyez-vous, je suis chaud comme la braise. Il y a près de dix ans, lorsque je me suis lancé, je tâtonnais pas mal. J'avais l'expérience du fanzinat, de la presse pro et un peu de l'édition, mais n'avais jamais dirigé de revue. Aujourd'hui, je commence à avoir de la bouteille. Je sais où je vais et je sais comment y aller. Je suis rodé, nom de Dieu. Du coup, ça me ferait bien mal au derche de lâcher maintenant. Ce d'autant que je l'ai déjà vécu.

Dans une autre vie, je fus pigiste à Backstab, un magazine de jeu de rôle pour lequel j'avais commencé à développer un setting med-fan dark, le Synode. Je le construisais article après article, un numéro après l'autre. C'était à la base une commande, mais je me suis grave investi. À force de travail, j'ai fini par dégager une vision d'ensemble. La vache, j'étais chaud de chaud. J'avais toutes les idées qui allaient bien, ordonnées comme il fallait en un plan carré. Le truc sans accroc, à la Hannibal Smith.

C'est pile-poil à ce moment que le magazine a débranché la prise. Rhâââ mais putaiiin, cette frustratiiion ! Une vraie douche froide. Me suis pris le mur de la réalité éditoriale dans les ratiches. Ouyouyouille. Je n'ai pas du tout, mais alors du tout, envie de revivre la même chose avec Sombre. Il faut que trouve un moyen de moyenner.


La suite demain.

Johan Scipion:
Bilan Sombre - épisode 8 / 11





Previously : près dix ans que je trime sur ma revue et qu'elle dure, mais les ventes s'effritent. Je voudrais réussir à ralentir leur érosion pour aller au bout de mon Sombre.


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J'évacue d'emblée les solutions qui à mes yeux n'en sont pas. Pas forcément qu'elles soient mauvaises en elles-mêmes, mais parce qu'elles ne correspondent pas à ce que je souhaite faire de Sombre, ou qu'elles sont en décalage avec la manière dont je veux travailler, ou encore qu'elles me semblent inappropriées au moment où je parle (mais pourraient se révéler pertinentes à l'avenir).

Déjà, il est très clair à mes yeux que je ne suis pas encore disposé à passer à autre chose. Je ne vous prendrais pas la tête depuis dix jours avec mes petits problèmes s'il en était autrement. J'expliquais la semaine dernière que dans mon micro milieu éditorial, le standard est actuellement aux gammes fermées et aux standalones. L'idée est de sortir un nouveau produit tous les X mois, avec un nouveau nom et un (parfois pas si) nouveau concept pour relancer l'intérêt du client. De la fraîcheur éditoriale qui donne envie au consommateur de remettre une pièce dans la machine. Clairement, ce n'est pas mon truc. Je suis le genre de garçon qui préfère creuser le même sillon. Sauf improbable épiphanie rôliste, il n'y aura rien après Sombre. Je ne pense avoir qu'un jeu de rôle à l'intérieur du dedans de moi. Je continuerai très certainement à écrire après avoir tourné la page Sombre, mais ce ne sera selon toute probabilité pas des textes rôlistes.

Je n'ai pas non plus envie de m'essayer au crowd funding. Pas à ce stade, en tout cas. À ce que j'en comprends, c'est du gros boulot, et pas le genre qui me vend du rêve. Je n'ai rien contre la compta, le marketing, la promotion et la préparation de commandes. J'en fais tout au long de l'année. Mais je ne veux pas consacrer l'intégralité de mon temps à ces tâches durant six, dix, douze, quinze ou dix-huit mois. À la base, mon kif, c'est l'écriture et le playtest. Je me suis multiclassé éditeur, distributeur et communiquant par nécessité. Pour pouvoir mener la barque Sombre à ma manière. J'effectue ces tâches sans déplaisir, et y trouve même souvent un intérêt véritable, mais ce n'est pas une vocation. Un crowd funding me serait peut-être profitable, en aucun cas plaisant. Ce n'est pas le genre de truc que je me sens d'assumer dans le cadre de Terres Etranges. Pas à ce stade du développement de Sombre en tout cas.

À l'heure actuelle, je suis également réticent à la vente de PDF. Le fanzine, j'entends par là l'objet papier, me plait grave. Je l'aime d'un amour vrai, même si la logistique devient de plus en plus compliquée. Treize numéros, ça en fait du papier à trimbaler aux quatre coins de la région parisienne, de la France et même de l'Europe. En revanche, les produits numériques ne me font pas rêver. Ouaiiis, je saiiis. Que voulez-vous, je débarque d'un autre millénaire, et mon imaginaire avec. Je ne dis pas que je n'y viendrai jamais, hein. Juste, tant que je peux encore m'en tenir à l'arbre mort, je préfère. Présentement, j'ai tendance à considérer le PDF comme le mausolée de la revue. Une manière de continuer à la mettre à disposition lorsqu'elle sera morte sur papier. M'y lancer dès à présent me semblerait prématuré, ne serait-ce que parce que le numérique rognerait un peu plus encore les ventes physiques. Or leur érosion est à la base ce qui me pousse à chercher des solutions alternatives. Des volumes d'impression qui baissent, ce sont des coûts de production qui grimpent. Ce n'est pas bon. Pas si je veux maintenir mon prix de vente à 10 euros le numéro.


La suite demain.

Johan Scipion:
Bilan Sombre - épisode 9 / 11





Previously : près de dix ans que je trime sur la revue Sombre. Elle dure, mais les ventes s'effritent. Je voudrais ralentir leur érosion sans pour autant me lancer dès maintenant dans un crowd funding.


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Je n'ai pas de vocation de vidéaste. Cela peut sembler étrange pour un gars qui a créé un jeu de rôle dont la référence principale est le cinéma, mais le Net qui cause et bouge ne me vend pas du rêve. En fait, si je pouvais faire vivre Sombre sans montrer ma ganache ni ouvrir ma grande bouche, je le ferais. C'est malheureusement impossible. À notre époque, quand t'es un petit producteur, il faut exister sur la Toile pour espérer vendre un minimum. Donc je cause de temps à autre dans la radio ou la télé de l'Internet.

Lorsque les gens qui me tendent le micro sont cool, j'y prends plaisir. C'est intéressant, mais cela ne me donne pas pour autant envie de devenir une stâââr de YouTube ou de Twitch. À la base, je suis un littéraire. Mon vrai truc, c'est aligner des mots sur l'écran de mon ordinateur. L'audiovisuel m'attire vachement moins. Je ne veux pas passer mes journées à préparer, tourner et monter des vidéos, je veux noircir du papier. Je le disais hier, je suis une vieille chose.

Même si cela me permettrait sans doute d'en vendre plus sur stand, je n'ai non plus envie de transformer Sombre en « vrai » jeu de rôle. Du moins, pas dans l'immédiat. Outre que cela impliquerait très probablement un crowd funding, ce à quoi je suis actuellement réticent, il s'agirait sans doute en grande partie d'une compilation de matériel déjà publié. Et vous savez quoi ? C'est le genre de truc qu'on fait pour les jeux morts. Il n'est pas temps, Sombre bouge encore. Et même, il est bien vivant. J'ai un quintal de matos inédit en préparation, des tas de projets et des nouvelles idées plein la tête. La compil' nostalgeek, ce sera pour plus tard.

Ce d'autant que la perspective de devoir arrêter de publier pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, en attendant de finaliser un gros bouquin A4 de 400 pages (ouais, compiler prend du temps), ne me met pas des étoiles dans les yeux. Je kiffe ce putain de fanzine, c'est un rêve d'ado que je prends un pied colossal à concrétiser. J'aime l'objet, et j'aime le concept. La publication périodique, c'est vraiment mon truc. Cela me motive à fond et me permet d'organiser mon travail. Du temps où j'y bossais, les cadences de la presse étaient infernales. A contrario, celles de l'édition littéraire et rôliste me crispent. Tout y est bien trop lent. Mon zine est pile-poil dans le tempo qui me convient.

Les conventions et festivals pourraient-ils constituer une planche de salut ? Plus de convs pour plus de démos donc plus de ventes, cela paraît logique. Pour tout dire, je l'ai déjà fait. Lorsque, après 2016, j'ai constaté que la revue perdait des clients, j'ai augmenté le nombre d'événements pour compenser. Et cela a fonctionné. J'ai un peu amorti la descente, au prix d'une grosse fatigue. Ce fut épuisant.

J'adore les conventions, mais elles me mettent sur les rotules. Je n'y vais pas pour rester tranquille derrière mon stand. Je ne le peux pas, Sombre ne se vend pas sur l'objet. Mon fanzine ne paie pas de mine. D'autant moins que sur les stands d'à côté, mes confrères alignent du lourd. Il ne vous aura pas échappé qu'à notre époque, on fabrique de très beaux bouquins de jeu de rôle. Pour intéresser les gens à mon petit produit, je dois enchaîner les démos.

Vendre le jeu (par opposition à l'objet fanzine) marche bien. Le défaut est que c'est crevant, et que je vieillis. Je commence très sérieusement à atteindre la limite d'âge. Hé, ça fait quand même quinze ans que je tourne en conventions. Je peux toujours en faire, et ne vais pas m'en priver. Pas de souci à ce niveau. Par contre, je ne peux plus en enchaîner quinze à vingt par an. C'est devenu trop dur. Du coup j'ai été contraint de réduire la voilure sur 2019, et il va falloir que je continue à le faire dans les années qui viennent. Il y va de ma santé.


La suite demain.

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