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Sombre

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Johan Scipion:
Covid - épisode 0/12





En début de mois, j'ai posté un petit feuilleton sur les forums rôlistes et les réseaux sociaux. Une bafouille à suivre pour vous expliquer la situation de Sombre et vous annoncer la création d'une formule d'abonnement.

Ce que fut assez divertissant, pas vrai ? Du suspense, de la tension, de l'action, de la romance, des cascades à trampoline, des explosions à l'arrière-plan tandis que je m'éloignais nonchalamment.

Ouais mais ça, c'était avant.

Avant la l'urgence sanitaire.

Avant le confinement.

Avant l'Apocalypse.

Que diriez-vous d'une deuxième saison, mais en mode dark ? Drama plus plus plus. Allez, c'est décidé, nous voici repartis pour une douzaine épisodes supplémentaires, dans lesquels je vous raconterai comment le Covid a fracassé Sombre. Façon puzzle, pas moins.

La crise vue par le petit bout de ma lorgnette. Trafalgar dans mon fanzine. Du jeune et du fun, je vous le garantis.

Ça commence demain. Stay tuned.

Johan Scipion:
Covid - épisode 1/12





Cette seconde saison du feuilleton Sombre est une surprise, et pas le genre qui fait plaisir. Il va de soi que je n'avais pas du tout l'intention de consacrer une bafouille au coronavirus. Si tout s'était déroulé comme je l'avais prévu, je devrais en ce moment même vous faire de la retape pour les prochaines publications Sombre.

Ce texte aurait dû être un avis de parution. Au lieu de quoi, c'est un making-of. Et pas n'importe lequel. Le making-of d'une catastrophe industrielle. Un epic fail de proportions bibliques. Le shit happens puissance trouzemille. Parce que ouais, quitte à se vautrer, autant y aller franco. J'aime faire les choses bien.

Avant de vous narrer cette aventure par le menu, une note liminaire pour préciser l'évidence, à savoir que je réalise tout à fait bien que mes problèmes sont dérisoires. Je suis en bonne santé, mes proches également, et nous ne manquons de rien. C'est bien plus que ne peuvent en dire beaucoup d'autres auteurs et artistes indépendants, que la situation actuelle met dans une terrible panade.

Et je ne parle même pas des morts et des malades, qui luttent pour leur survie à l'hôpital ou en chient chez eux. Ni des soignants, qui eux aussi mangent, et vont continuer de manger sévère. Ni de tous ces gens contraints de sortir bosser chaque matin, la boule au ventre, pour que nous puissions nous confiner en toute sécurité et confort. Big up à tous.

J'ai des soucis, Sombre aussi, mais il y a bien pire ailleurs. Si j'égotripe, c'est parce que causer de mes ennuis me fait du bien. Ça soulaaage. Et puis, je pense que cette histoire mérite d'être contée. Honnêtement, ça vaut le coup. C'est une sacrée gamelle, tout de même. Va y avoir du sport, je vous le garantis.


La suite demain.

Johan Scipion:
Covid - épisode 2/12





Previously : le Covid nous met dans la panade, Sombre et moi, mais je relativise. D'autres en chient bien plus sévère.

*

Nous sommes en 2016, et comme je l'expliquais dans la première saison de mon feuilleton, tout baigne. Je l'ignore, mais je mange alors mon pain blanc.

Commercialement, ma meilleure année. Un faisceau de facteurs l'explique, certains structurels, d'autres conjoncturels. À cette époque, Sombre est déjà un vieux jeu (première partie publique en 2004, première version du kit de démo en 2008), mais la revue est encore assez jeune (nouméro ouno en 2011). Je suis dans la phase ascendante de ma courbe de Gauss.

L'année précédente, j'ai commencé à distribuer (par mes propres moyens) le zine en boutiques. J'ai débarqué sur le marché avec cinq références inédites en magasin, les numéros 1 à 5, ce qui a créé les conditions d'une bonne implantation initiale. Beaucoup de taf (Johan au téléphone pendant des semaines à faire le commercial), mais qui a payé. L'année suivante, 2016 donc, je sors deux numéros, Sombre 6 et HS1, ce qui consolide la croissance de mon activité.

C'était la deuxième année de suite que je le faisais. En 2014, je n'avais rien publié parce que j'étais très en retard sur la rédaction de Sombre 4. J'avais moins d'expérience qu'aujourd'hui et n'étais pas encore dans le tempo de la revue. Une année blanche donc, qui s'était traduite par un net recul des ventes.

Ben ouais, quand tu ne publies rien, les clients t'oublient. Ils n'achètent pas de nouveauté, vu qu'il n'y en a pas, mais arrêtent aussi d'acheter les anciens numéros. C'est la raison pour laquelle les éditeurs, lorsqu'ils veulent faire vivre une gamme, s'arrangent pour publier régulièrement des produits de rappel. Un écran, un dossier de PJ, des dés tarabiscotés, un slip avec le logo du jeu sur le cul, que sais-je. N'importe quoi, y compris de vrais suppléments utiles et intéressants, pour créer du buzz et maintenir le jeu dans l'esprit du public.

De cette façon, même si les anciens clients ne se ruent pas sur la nouveauté, il a une chance que d'autres s'intéressent à la gamme et achètent les précédents produits. Surtout le livre de base, sur lequel l'éditeur se fait la meilleure marge because gros bouquin cher imprimé pour pas si cher. Pour Sombre, cela ne marche pas aussi bien car mes livres de base valent exactement autant que mes suppléments, mais il y a quand même un petit effet d'achat rétrospectif à chaque nouvelle parution.


La suite demain.

Johan Scipion:
Covid - épisode 3/12





Previously : 2014 fut en demi-teinte. Une année blanche, sans nouveau Sombre.

*

J'ai bien vu que lorsque je passais un an sans rien publier, je vendais beaucoup moins. Sombre 4 a fini par sortir, en 2015, suivi de Sombre 5, en 2015 également. Deux zines dans la même année, je commençais à prendre le pli. Et ai constaté que, niveau ventes, c'était le jour et la nuit. Tu ne publies rien, ça se casse la gueule. Tu publies deux fois, ça remonte. Et quand en plus, tu te mets à vendre aux boutiques, ça décolle.

En nombre d'unités vendues, hein. Le bénéfice ne fut pas aussi spectaculaire. D'une part, je suis passé de l'associatif franco d'impôts à la fiscalité pro (ce qui m'a contraint à relever mon prix de couverture de 7 à 10 €). D'autre part, la vente en boutiques n'est pas, c'est un euphémisme, une excellente affaire pour l'indépendant que je suis. Il y a une raison pour laquelle le marché rôliste est dominé par les « vrais » jeux de rôle, ces gros bouquins A4 de 400 pages : ils sont rentables en circuit long. Mon zine, non. Trop onéreux à produire (petits volumes, imprimeur local) et pas vendu assez cher.

Si je veux écouler mes produits, je dois m'aligner sur une grille tarifaire que les grosses structures tirent vers le bas en réalisant des économies d'échelle dont je suis incapable. En circuit court, vente directe sur stand ou par correspondance, je m'y retrouve. Dès que j'intercale un intermédiaire (une boutique), c'est cramé. Pire encore si je dois le livrer par la Poste, que je paie au prix fort parce que je n'ai qu'un très faible flux de marchandises.

La manœuvre demeure cependant utile, pour des questions d'image (un jeu vendu en boutique, ça fait sérieux) et surtout de coûts de production. Même si je ne gagne quasi rien sur la vente aux magasins de jeu, au moins je vends, ce qui me permet de maintenir mes volumes d'impression. Les tarifs de mon imprimeur sont dégressifs, donc moins j'imprime, plus ça me coûte cher, et plus ma marge fond. C'est la spirale infernale dans laquelle je suis pris depuis quelques années et, comme je vous l'ai expliqué dans la première saison de mon feuilleton, m'efforce de ralentir.


La suite demain.

Johan Scipion:
Covid - épisode 4/12





Previously : 2014 fut en demi-teinte. Une année blanche, durant laquelle je n'ai rien publié. Mais je me suis rattrapé en 2015.

*

Publier deux numéros à l'automne 2016 fut un énorme boulot. Bien plus que pour ceux de 2015, que j'avais produits à quelques mois d'intervalle. Là, j'ai tout fait d'un coup. Même si je disposais à l'avance d'une bonne partie des textes de HS1 (des nouvelles horrifiques écrites au fil des années), enchaîner deux bouclages fut éreintant.

Surtout qu'ensuite, il a fallu que je me démène pour assurer la promotion et la vente de ces nouveautés, en convention aussi bien qu'en boutiques. À Noël 2016, j'étais à ce point rincé qu'il m'a fallu la majeure partie du mois de janvier pour m'en remettre. Sur les rotules, le petit père Johan. Vraiment, ce fut super rude. Profitable, mais rude. Mais profitable. Mais ruuude.

Du coup, début 2017, je cogite. Clairement, me tenir à deux numéros par an est une très bonne idée, mais les publier en même temps, pas trop. Si je veux pouvoir tenir la distance, je dois espacer les sorties. Une au printemps, l'autre en automne, comme en 2015. Adopter une périodicité semestrielle en alternant un numéro régulier et un hors-série. Je mets le plan en action et cela marche plutôt pas mal. Depuis, je tiens le choc des deux bouclages par an. Pourtant, les ventes diminuent.

Je repère la tendance et contre-attaque. Dès 2017, je fais le forcing sur les conventions pour booster les ventes directes. Je compense un peu l'effritement. En 2018, je maintiens l'effort : deux numéros annuels + la patate de convs et d'animations diverses. Rien à faire, les ventes dévissent. Putain de Gauss. Et là, je réalise que je ne vais pas pouvoir tenir la cadence encore longtemps. Trop de boulot, trop de fatigue, je sature.

Ce n'est pas ma première alerte de surmenage, donc je vois arriver le truc. Ayant pexé en la matière, je prends des mesures et, en 2019, décide de lâcher du lest. J'assure toujours les deux numéros annuels, mais lève le pied sur les conventions. Conséquence inévitable, les ventes continuent de s'effondrer. Max, dont je publie le livre de base en début d'année, amortit un peu la descente.

Le système est bien reçu par les fans de Sombre et la communauté rôliste en général. Les victimes badass correspondent mieux aux usages dominants du hobby que les victimes tout court. De surcroît, le scénario Cthulhu intéresse. Lovecraft vend du rêve aux geeks, c'est un fait. La fin de l'année est tout de même difficile. HS4 se vend plutôt bien pour un hors-série, mais l'effet Gauss me plombe Noël, période commerciale habituellement plus faste. L'érosion des ventes est globale, en circuit court (ventes directes) comme en long (ventes en boutiques).


La suite demain.

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