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[Culture] J'écris des trucs
kolann:
Bon hors sujet mais j'assume. Je me suis sortie un petit texte suite à ce qu'on a bossé hier et comme je m'oblige maintenant à diffuser mes productions...
ba vlan!
--- Citer ---
Un instant encore...
L’arbre en bourgeons, la bruine matinale, la légère brume elle se sera évaporée. Il y aura alors une seconde insaisissable quand tout sera expliqué, une éternité révolue suscitant sa propre fragilité, une permanence délicatement volage et définitive à la fois. Rien n’est plus certain ni fragile que l’ultime battement d’aile d’un papillon nocturne, lorsqu’il lutte contre la lumière douce et assassine marquant son destin funèbre. Il est posé sur le vide, hésitant entre la vie et le trépas, accroché à son vol ridicule, comme la rosée se suspend au temps et aux bourgeons sur la branche naissante. Mais peut-être n’aura-t-il pas le temps de mourir, sans doute renaîtra-t-il aussitôt, et l’oiseau qui le guettait en ordonnant sa plume revêche en fera son premier festin du matin. La voila enfin cette parcelle d’éternité, lorsque tout meurt et reviens simultanément, lorsque l’inexorable devient nécessité et l’indispensable d’une manifeste futilité. Tout s’est arrêté et tout recommence. En fait rien n’a jamais vraiment cessé et c’est là le tribut d’une existence qui se joue d’apparences. Il y a une seule fin et une seule naissance, et les deux noms d’un seul et unique sortilège se confondent à ne plus s’en démeller. Seule une présence absente, peut-être, pourra-t-elle en évaluer la force mystique.
C’est cette seconde qu’a choisie l’homme pour quitter un monde antérieur. Il a senti la fraîcheur du vent sur sa peau tendue de soi. Il a perçu au loin le ballet tragique de l’insecte condamné, entendu les plumes lissées dans le vent puis senti l’oiseau cueuillir sa proie. Il n’a rien envisagé, rien pensé. Il a laissé venir à lui. Il s’est abandonné à un tout dont il ne souffrirait en d’autres instants la compagnie. Il est devenu lui-même une part de cette harmonie.
L’homme est un enfant. La cinquantaine blanchissant légèrement ses tempes, l’expérience s’efface pourtant sur la candeur de son visage. Il en est ainsi chaque matin. A la même heure, l’homme redevient cet enfant qu’il n’a jamais cessé d’être. Il n’a besoin de rien pour cela. Il lui suffit d’attendre et de s’émerveiller pour que le reste se fasse, pour ne pas le réaliser mais pourtant incorporer le merveilleux caché au fond de lui.
Il est assis selon la tradition. Seiza est une position de retour sur soi. C’est un sacrifice consenti, une rupture temporaire avec l’extérieur, un abandon du corps et de l’esprit qui ne regarde pas, qui n’observe plus, détaché, l’œil centré et posé, à quelques mêtres, devant, entre ici ou là . L’homme est donc mais est ailleurs. Il est assis profondément, a incorporé le sol dont il semble sortir telle une racine. Il est devenu un tronc que « d’une simple chiquenaude on devrait pouvoir pousser …Mais regarde bien: même cela n’est qu’une apparence »# , il est devenu l’immensité sur laquelle il est posé.
Il est vétu d’une pièce de coton, simple, dérisoire, tressée de fils et d’impressions, toujours l’inextricable qui pointe son ouvrage d’un seul tenant. La toile rugueuse mais légère est croisée sur le torse musclé que le temps et la discipline ont sculpté chacun à leur façon. Le temps a perduré et bientôt s’est effacé; la règle elle s’est fortifiée mais s’est assouplie de sa propre dureté. Avec le temps la règle disparaît, avec la règle le temps est devenu inutile. Voilà la quintessence même du vieillard enfant: demeurer et vaincre les ans. Seuls l’oubli et l’abandon peuvent cela. L’homme mature n’oublie donc jamais, tous les jours, qu’il était et est encore un enfant, il pense quotidiennement à ne pas l’oublier.
A ses côtés repose son soutien sur lequel parfois il s’appuie sans ne jamais pourtant oser y toucher. Aujourd’hui sera différent. Ce matin les destins du papillon et celui de l’homme-enfant sont intimement liés. Dans la même fraîcheur incendiée par l’astre levant, il y a l’homme, l’enfant, le papillon et l’épée.
Le sabre est sacré, comme la vie qui défile et que l’on pose à ses côtés. Sa lame parfaitement entretenue par l’homme adulte est une fin autant qu’un moyen. La vie en a fait son fil et l’homme son enfant turbulent. Un enfant qu’il aura fallu mériter, conquérir et amadouer. Il aura fallu aussi le guider mais jusqu’à quel point n’est pas l’enfant qui oriente son parent prenant ainsi conscience, au jour le jour, de sa puérilité. Le maître guide l’élève, le père le fils puis le fil vient à se couper. Alors le vieillard peut redevenir l’enfant qu’il n’aurait jamais du quitter. Mais les sacrifices suprêmes s’alimentent de cette nécessité: vivre sur le fil de l’instant afin de pouvoir véritablement en survivre, puis en mourir, paisiblement, tel le papillon nocturne dans le calme et la fraîcheur matinale.
Je n’ai pas de parents pense l’homme assis
Je fais du ciel et de la terre mes ancêtres respectés.
Je n’ai aucun pouvoir divin
De l’honnêteté je tire ma force.
Je n’ai aucune règle de conduite
Je fais de la simplicité la base de toute complexité.
Je n’ai aucun pouvoir magique
La magie de mon esence spirituelle sans doute est-elle plus forte.
Il n’y a ni vie ni mort
L’éternité est mon existence et ma disparition.
Je n’ai pas de corps
Je n’ai que mon courage.
Je n’ai pas d’yeux
L’éclair est ma seule vision.
Je n’ai pas d’oreilles
Le bon sens est ma seule audition.
Je n’ai pas de bras ni de jambes
L’agilité guide mes pas.
Je n’ai pas de projets
L’opportunité est seulement dans mon plan.
Je ne suis aucun prodige
Le respect à la tradition est mon miracle permanent.
Je n’ai pas de propos rigides
Je sais quand il le faut papillonner.
Je n’ai pas d’amis
L’esprit est ma seule compagnie.
Je n’ai pas d’ennemis
La distraction est ma seule perte.
Je n’ai pas d’armure
Ma sincérité et ma droiture sont mes protections.
Je n’ai pas de forteresse où me cacher
La force d’esprit est mon unique rempart.
Je n’ai pas d’épée
Le calme et le silence sont bien plus meurtriers.
Alors, lentement, il saisit le sabre et paisiblement le dirige vers l’abdomen tout juste dénudé pour laisser la pointe s’en approcher. Une brève mais ferme pression, et une légère rotation, parfaitement maîtrisée, jusqu’à la dernière inspiration.
Dans l’air matinal, l’homme accompagne le papillon
--- Fin de citation ---
Désolé, ça fait un peu prétentieux de venir poster un texte comme ça hors contexte...
Ouvert à la critique mais taper pas trop fort
Floriane:
Il aurait presque pu correspondre au sujet "Paradoxes"...
Tu as l'art de manier les mots on dirait, et ta prose est très poétique, j'aime beaucoup.
Après, il faut peut être le lire deux fois pour bien comprendre les subtilités de ta plume...
Ce qui ne pose pas de problème en soi!
En tous cas, merci à toi de partager tes écrits avec nous et de rebondir sur ce post.
Pour vous dire aussi, ce post "d'écriture" m'a assez inspirée pour en faire un blog sur le même principe (thème imposé, textes qui en découlent plus ou moins), dont l'adresse est dans ma signature.
Mais si vous décidez de jouer le jeu sur le forum, je posterai encore quelques textes (encore désolée Stoil, je n'arrive toujours pas à trouver quoi que ce soit avec paradoxes)
Et pour ceux qui le voudraient, un nouveau sujet : La cité des anges[/i]
Aurélie:
whoaou kolann.
je devrais donner des exos comme hier plus souvent, si c'est pour pouvoir lire ce genre de texte...
pour mon info, si on refaisait l'exo, tu serais prêt à la faire ? (pas de panique, ce n'est pas prévu avant l'année prochaine)
Floriane:
Ca m'intéresse, du coup, c'était quoi votre exo?
Nat':
à Kolann .... j'ai lu, je ne sais quoi dire.. alors je me tais...mais je n'en suis pas moi touchée par ce texte. *
* je m'étais promis de lire qu'après avoir travailler mais j'ai craqué ! pas bien ! sur ce, je retourne, d'un cliquement de souris vers le calcul de mes concentrations de triglycérides.....aussi trivial que cela puisse être...
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